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Ordonnance n° 45-1917 modifiant l’article 33 de la loi du 31 mars 1919 (droits des ascendants du 1er degré)
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT
La loi du 31 mars 1919, dans son article 33. décide que « les droits des ascendants du premier degré sont ouverts à toute per sonne qui justifie avoir recueilli, élevé et entretenu l’enfant orphelin ou abandonné et avoir remplacé ses parents auprès de lui jusqu’à sa majorité ou son appel sous les drapeaux ».
L’article 53 de la loi du 9 décembre 1927. modifiant l’article 33 de la loi précitée, a spécialement accordé le même droit aux parâtre et marâtre, en précisant que « les droits des ascendants du premier degré sont ouverts à toute personne qui justifie avoir élevé et entretenu l’enfant et avoir rem placé ses parents ou l’un d’eux jusqu’à sa majorité ou son appel sous les drapeaux ».
Ces dispositions ont été modifiées par l’article 3 de la loi du 9 septembre 1944, en vertu duquel : « les droits des ascendants du premier degré sont ouverts à toute personne qui justifie avoir élevé et entretenu l’enfant orphelin ou abandonné par ses pa rents et avoir durablement remplacé ceux-ci eu l’un d’eux auprès de lui jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de quinze ans.
La disposition ci-dessus ne joue qu’en faveur d’une seule personne. Elle entraîne extinction du droit à pension et éventuellement annula tion de la pension concédée à tous ascendants, à moins que l’un ou l’autre d’entre eux ne justifie qu’il n a pas abandonné l’enfant, auquel cas il y a lieu à annulation de la pension accordée au titre du paragraphe 1er du présent article et à concession ou maintien de la pension au dit ascendant.
Les annulations visées au présent paragraphe sont prononcées conformément aux dis positions de l’article 67 de la loi du 31 mars 1919, modifié par le décret-loi du 20 janvier 1940.
Le Tribunal qui prononce la requête introduite au titre du premier paragraphe du présent article est compétent pour connaître selon la même procédure du recours exercé par les ascendants. »
Le Secrétariat général des Anciens com battants estima que les mots < ou l’un d’eux » avaient pour objet de sauvegarder les droits de parâtres ou marâtres, et con tinua à les faire bénéficier de l’article 33. Mais le Ministère des Finances n’accepta pas cette interprétation La question fut portée devant la section des Finances du Conseil d’Etat ; celle-ci, dans son avis n” 22.706 et 225.707 du 4 mai 1943, considère que le texte actuel, si ambigu soit-il, ne per met pas d’appliquer l’article 33 aux parâ tres et marâtres :
« Considérant, d’une part., qu’il résulte du rapprochement de l’article 33 de la loi du 31 mars 1919, tel qu’il avait été modifié par la loi du 9 décembre 1927, et de la nou velle rédaction donnée à cet article par la loi du 9 septembre 1941, qu’en l’état actuel de la législation, comme sous l’empire de celle antérieure à 1927, l’enfant au titre du quel est ouvert le droit à pension doit être, soit orphelin de ses père et mère, soit aban donné par ses parents ;
« Considérant, d’autre part, qu’en vertu de la même disposition le droit ouvert au titre de l’article 33 ne joue qu’en faveur d’une seule personne et entraîne, soit l’annulation de la pension concédée à tous ascendants, soit, si l’un de ces derniers justifie n’avoir pas abandonné l’enfant, le maintien ou la concession de la pension au dit ascendant et l’annulation de celle accordée au titre de l’article 33 qu’ainsi, d’après ce texte, il ne saurait y avoir coexistence d’une pension accordée à un ascendant légal et d’une pension allouée par application de l’article 33 ;
« Considérant qu’il suit de là que le mari ou la personne qui a épousé en secondes noces la mère ou le père d’un militaire décédé et qui n’a pas droit, de ce fait, à pension d’ascendant au titre de l’article 28 de la loi du 31 mars 1910, ne peut d’avantage prétendre, concurremment avec celui des parents qui survit, à pension au titre de l’article 33 de la même loi ; que ce droit ne lui appartiendrait que dans le cas où. à la suite du décès de son conjoint ou de l’abandon par celui-ci de son enfant, il aurait élevé et entretenu ce dernier, désormais orphelin de père et mère ou aban donné par ses parents.
Ce texte prive donc pratiquement du droit à pension le parâtre ou la marâtre qui aurait, fut ce pendant presque toute l’enfance, servi de père ou de mère à l’en fant et du même coup désavantagé gra vement la mère ou le père de celui-ci.
En effet, puisque l’enfant, du vivant de sa mère ou de son père, n’est pas orphelin au sens strict du mot, le parâtre ou la marâtre ne pourrait avoir droit à pension que si le parent survivant était lui-même décédé plus ou moins longtemps avant l’âge limite ou avait abandonné l’enfant, dont son deuxième conjoint aurait continué à s’occuper après le décès ou cet abandon.
Le mariage des veufs ou des veuves avec enfants est très souvent déterminé par des considérations relatives à ceux-ci ; la mère éprouve le besoin non seulement de retrouver un soutien qui l’aide à vivre, mais de s’assurer, pour l’éducation de ses enfants, de la collaboration d’une autorité mascu line ; le père, surtout si les enfants sont jeunes, éprouve le besoin non seulement de retrouver une compagne, mais encore d’as surer à ses enfants des soins qu’une femme peut seule donner.
Et s’il est des cas où les beaux-fils et les belles-filles sont traités médiocrement ou mal, le tribunal a tout pouvoir d’appréciation à cet égard.
En revanche, il est extrêmement fréquent que la famille soit vraiment reconstituée ; c’est ce qui s’est très souvent produit à la suite de la guerre 1914-1918 dans les unions nouvel les contractées par des veuves de guerre avec d’anciens combattants pensionnés ou non, les enfarts du mort ont trouvé auprès du camarade de leur père l’affection et les soins que celui-ci leur aurait donnes lui-même.
Or. au cas de survivance de la mère eu du père jusqu’à la seizième année de l’enfant, s’il n’y a pas eu d’autre part, aban don, le parâtre ou la marâtre ne remplira pas la condition requise ( « n’avoir élevé l’enfant orphelin ou abandonné par ses pa rents et avoir durablement remplacé ceux-ci… ») et n’aura aucun droit à pension même si, postérieurement à la quinzième année, il a assumé tous les frais et tous les soucis de l’entretien et de l’éducation. Il y a plus : les parents d’un enfant divorcent. L’un d’entre eux conserve la garde de l’enfant, sans que l’autre soit déchu de la puissance paternelle, mais celui-ci ne s’occupe nullement d’eux. La mère se remarie avec une homme qui a pour les enfants de sa femme tous les soins qu’on pourrait attendre du père.
Il n’aura aucun droit à pension d’ascendant — et l’on ne voit pas sur quoi il pourrait se fonder pour empê cher le père non déchu d’obtenir. lui, la pension à laquelle lui ouvrent droit les liens du sang.
ère ou la mère de l’enfant ne pourront obtenir la pension au taux de 800 francs qu’après décès de leur deuxième conjoint — (taux porté à 2.500 francs par l’arrêté interm ministériel du 1er février 1944».
Le projet d’ordonnance ci-joint a pour objet de remédier à cette situation. Tout en excluant les doubles emplois, comme l’avait fait la loi du 18 juin 1938. il revient au principe édicté par l’article 53 de la loi du 9 décembre 1927. Il supprime la limitation à une seule personne du droit ouvert par cette loi limitation qui atteignait également les parents nourriciers des pupilles de l’assistance publique, il permet de faire état de l’entretien de l’enfant au delà de l’âge de quinze ans, lorsque ce dernier a été placé en apprentissage ou a poursuivi ses études.
Le Gouvernement provisoire de la République française,
Sur le rapport du Ministre du Travail et de la Sécurité sociale. du Ministre de l’Economie nationale et des Finances et du Ministre de la Guerre, du Ministre de l’Air, du Ministre de la Marine et du Ministre des Colonies.
Vu l’ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la Libération nationale, ensemble les ordonnances des 3 juin et 4 septembre 1944 ;
Vu l’ordonnance du 9 août 1944 portant rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;
Vu la loi du 31 mars 1919 ;
Vu l’article 53 de la loi du 9 décembre 1927 ;
Vu la loi du 13 juin 1938 :
Vu le décret du 20 août 1945 relatif à l’exercice de la présidence du Gouvernement provisoire de la République française en l’absence du Général de Gaulle ;
Le Comité juridique entendu.
ORDONNE
Article 1er .— Est expressément constatée la nullité des dispositions contenues dans l’article 5 de l’acte dit loi du 9 septembre 1941, modifiant la loi du 31 mars 1919 relative aux pensions militaires fondées sur l’invalidité ou le décès.
Art. 2. — L’article 33 de la loi du 31 mars 1919, modifié et complété par les lois du 29 décembre 1927 et du 13 janvier 1938, est à nouveau modidfié ainsi qu’il suit :
« Art. 33 — Les droits des ascendants du premier degré sont ouverts à toute personne ui justifie avoir élevé et entretenu l’en fant et avoir durablement remplacé auprès de lui ses parents ou l’un d’eux jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de quinze ans.
Si cette justification ne peut pas être faite en raison de l’âge déjà atteint par l’enfant à l’époque où il a été pris en charge, les mênes droits sont ouverts sur la justification de son entretien, assuré comme ci-dessus soit jusqu’à l’âge de dix-sept ans au cas où l’enfant a été placé en apprentissage dans les conditions déterminées par le titre 1er du livre 1er du code du travail et le décret du 24 mai 1938 sur l’orientation et la for mation professionnelles en par la loi du 18 janvier 1929 relative à l’apprentissage agricole. soit jusqu’à l’âge de vingt ans ou l’époque de son appel antérieur sous les drapeaux au cas où l’enfant a poursuivi ses études.
édent, le droit qui aurait normalement appartenu aux ascendants directs se trouve transféré sur la tête des personnes les ayant remplacés auprès de l’enfant élevé et entre tenu par elles il est procédé à l’annulation des pensions qui auraient déjà été concé dées auxdits ascendants, à moins que ceux-ci ou l’un ou l’autre d’entre eux ne justifient, devant le tribunal civil dont émane la constatation que l’enfant a été élevé et entre tenu par une tierce personne, et suivant la même procédure, qu’ils n’ont pas aban donné cet entant. S’ils obtiennent ainsi le retrait de ladite constatation, la pension concédée au titre de l’alinéa premier du présent article sera annulée et la pension desdits ascendants leur cera maintenue.
Au cas où ils ne seraient pas déjà titulaires d’une pension ils pourront faire valoir dans les mêmes conditions leurs droits dont la reconnaissance entraînera également l’annulation ci-dessus mentionnée.
« Les annulations visées au deuxième alinéa du présent article sont prononcées suivant la procédure prévue à l’article 67 ci-après. »
Art. 3 .— La présente ordonnance aura effet à dater de la publication de l’acte dit ici du 9 septembre 1941.
Les dispositions de la présente ordonnance s’appliqueront nonobstant toutes décisions antérieures de rejet fondées sur des causes d’exclusion qu’elles n’ont pas maintenues. En ce qui concerne les demandes qui seront présentées pour en obtenir le bénéfice dans le délai de trois mois à partir de sa publication, les arrérages courront à compter de la première demande, si à cette date l’ensemble des conditions de droit à pension étaient réunies.
Lorsqu’on raison des dispositions de l’acte dit loi du 9 septembre 1941 aucune demande n’a encore été présentée, les intéressés se ront réputés, pour la détermination du point de départ des arrérages s’être mis en instance de pension dans le même délai à compter de l’époque où leurs droits sont ouverts que celui dans lequel leur demande aura été formulée après la publication de la présente ordonnance.
Art 4. — La présente ordonnance sera publiée au Journal Officiel de la République française et exécutée comme loi.
J. JEANNENEY.
Par le Gouvernement provisoire de la République française :
Le Ministre de la Guerre
A. DIETHELM.
Le Ministre du Travail et de la sécurité sociale.
A. PARODI.
Le Ministre de l’Air Ch. TILLON.
Le Ministre de la Marine,
L. JACQUINOT.
Le Ministre des Colonies,
P. GIACOBBI
Le Ministre de l’Economie nationale et des Finances
R. PLEVEN.