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Loi n° 134/AN/21/8ème L portant modalités et conditions de cession des participations de l’État dans le capital des entreprises publiques

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;
VU La Loi Constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L du 21 avril 2010 portant révision de la Constitution ;
VU La Loi n°12/AN/98/4ème L du 11 mars 1998 portant réforme des Sociétés d’État, des Sociétés d’économie Mixte et des Établissements Publics à caractère Industriel et Commercial ;
VU La Loi n°130/AN/96/3ème L du 15 février 1997 portant conditions et modalités de privatisation de participations, d’entreprises, de biens ou d’activités relevant du secteur public ;
VU La Loi n°130/AN/98/4ème L du 11 mars 1998 portant réforme du secteur des Postes et Télécommunications ;
VU La Loi n°160/AN/12/6ème L du 9 juin 2012 portant réorganisation du ministère de l’Economie et des Finances en charge de l’Industrie et de la Planification ;
VU La Loi n°143/AN/16/7ème L du 05 avril 2016 portant Code de la bonne gouvernance des entreprises publiques ;
VU La Loi n°55/AN/19/8ème L du 23 juillet 2019 portant régime juridique des Entreprises Publiques ;
VU La Loi n°75/AN/20/8ème L du 29 mars 2020 portant création du Fonds Souverain de Djibouti ;
VU Le Décret n°2021-105/PRE portant nomination du Premier Ministre ;           
VU Le Décret n°2021-106/PRE portant nomination des membres du Gouvernement ;
VU Le Décret n°2021-114/PRE fixant les attributions des Ministères ;   
VU La Circulaire n°189/PAN du 20/12/21 portant convocation de la 2ème Séance publique de la 2ème Session Ordinaire de l’année 2021.
Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 11 Juillet 2021.

Chapitre 1 : Dispositions générales
 
Article 1 : La présente loi est applicable aux sociétés commerciales dans lesquelles l’État, ses établissements publics, ses entreprises publiques détiennent seuls ou conjointement, directement ou indirectement, une participation au capital. Les sociétés concernées par la présente loi sont soumises aux dispositions du code de commerce et des autres lois générales ou particulières qui les régissent dans la mesure où ces dispositions ne sont pas contraires à la présente loi.
 
Article 2 : Les opérations par lesquelles l’Etat, ses établissements publics, ses entreprises publiques ou par le Fonds Souverain de Djibouti cèdent au secteur privé une partie du capital d’une société sont décidées par décret dans les cas suivants :
– Lorsqu’elles entraînent le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société sur une base diluée ou non diluée ;
– Lorsque la participation publique est supérieure aux deux tiers  du capital d’une société, si la cession a pour conséquence de la ramener dessous de ce seuil sur une base diluée ou non diluée.
Pour l’application de la présente loi :
– Toute opération de cession d’un actif susceptible d’une exploitation autonome représentant plus de 50% de l’actif net comptable ou chiffre d’affaires ou des effectifs, appréciés sur une base consolidée, d’une société détenue à plus de 50% par l’État, ses établissements publics, ses entreprises publiques ou le Fonds Souverain de Djibouti est assimilée à cession de cette société ;
– Est assimilée à une opération de cession toute opération de transfert              de propriété de tout ou partie du capital ou toute opération d’augmentation de capital produisant le même effet immédiatement ou de façon différée.
 
Article 3 : Ne sont pas soumises à la présente loi les opérations suivantes :       
– Les prises de participation par un tiers au capital d’une société visée à              l’article 1er dont les titres de capital étaient déjà admis, à la demande de la société, aux négociations sur un marché boursier ;
– Les opérations résultant de l’exercice d’options de souscription ou d’acquisitions (y compris par conversion, remboursement ou toute autre technique) attachées à des titres cédés à l’occasion d’une opération de cession antérieure.
 
Article 4 : Pour le Fonds Souverain de Djibouti, la présente loi n’est applicable qu’aux participations détenues par ledit fonds dans les sociétés visées à l’article 7 de la loi n°75/AN/20/8ème L du 29 mars 2020 portant création du Fonds Souverain de Djibouti. Ces sociétés, dont plus de la moitié du capital social est détenue par le Couds Souverain de Djibouti, sont considérées soit comme des sociétés d’État soit comme des sociétés d’économie mixte et sont soumises à la loi n°55/AN/19/8ème L du 23 juillet 2019 portant régime juridique des Entreprises Publiques. Les autres sociétés détenues par le fonds Souverain de Djibouti sont exclues du champ d’application de la loi n°55/AN/19/8ème L du 23 juillet 2019 portant régime juridique des Entreprises Publiques.
 
Chapitre 2 : Les Organes de gestion
 
Section 1 : Le Secrétariat exécutif chargé du Portefeuille de l’État
 
Article 5 : Il est créé un Secrétariat exécutif chargé du portefeuille de l’État.
 
Article 6 : Le Secrétariat exécutif chargé du Portefeuille de l’État a pour principales attributions :
– L’établissement d’une stratégie nationale de la valorisation des actifs financiers et de la mise en œuvre de celle-ci ; 
– La représentation de l’État actionnaire et l’assistance dans la désignation des représentants de l’État ;            
– Le suivi de la situation économique et financière, de l’endettement et la production d’informations ;
– Le pilotage de la performance, les mesures de contrôle et le suivi du fonctionnement des organes de décision et de gestion ;
– La préparation et le suivi des conditions et modalités Ides garanties d’État pour les entreprises publiques ;
– Le dialogue et la mise en œuvre des recommandations des autres instances de contrôle.      
Les missions, l’organisation et le fonctionnement du Secrétariat exécutif chargé du portefeuille de l’État sont fixés par décret.
 
Section 2 : La Commission des participations de l’État
 
Article 7 : Pour conduire les opérations de cession prévues par la présente loi, le Gouvernement s’appuie sur une Commission des participations de l’État chargée de veiller au respect de la procédure applicable. Elle consigne les résultats de ses travaux dans un rapport transmis au ministre en charge du portefeuille de l’État. Ce rapport contient toute proposition propre à faciliter la cession au secteur privé ou à garantir les intérêts nationaux. Afin de préparer ce rapport, la commission peut solliciter les services de l’administration centrale ou des experts indépendants afin de l’assister dans sa mission.
 
Article 8 : La Commission des participations de l’État est automatiquement saisie par le ministre en charge du portefeuille de l’État sur toutes les opérations de privatisation et de cession des participations. Elle remplace à ce titre le comité national de privatisation prévu par l’article 6 de la Loi n°130/AN/96/3ème L portant conditions et modalités de privatisation de participations, d’entreprises, de biens ou d’activités relevant du secteur public.
 
Article 9 : La Commission des participations de l’État est composée comme suit :
– Un représentant de la Présidence de la République ;
– Un représentant de la Primature ;      
– Un représentant du ministre en charge du portefeuille de l’État ;
– Un représentant du ministre en charge du budget ;
– Un représentant du ministère de rattachement ;
– Un représentant du Fonds Souverain de Djibouti.
Un représentant de l’inspection Générale d’État assiste aux séances de travaux de la commission à titre d’observateur et sans voix délibérative.
Le ministre en charge du portefeuille de l’État peut, en fonction de chaque opération, désigner un membre supplémentaire de la commission parmi les représentants d’un ministère ayant un intérêt particulier dans l’opération compte tenu de l’activité de la société concernée.
La présidence de la commission est assurée par le représentant du ministre chargé du portefeuille de l’État. Le secrétariat exécutif en charge du portefeuille de l’État en assure le secrétariat.             
 
Article 10 : Le fonctionnement de la commission des participations de l’État est fixé par Décret.
 
Section 3 : Procédure de cession et réalisation des opérations
 
Article 11 : Selon le choix de l’actionnaire cédant, la procédure de transfert de tout ou partie du capital d’une société visée à l’article 1er en application de l’article 2 peut être effectuée suivant :
– Les procédures des marchés financiers ;
– Une cession hors marché. Dans un tel cas, l’actionnaire cédant établit un cahier des charges qui précise les modalités de l’opération envisagée, les conditions à remplir par les candidats à l’achat et les critères de sélection des acquéreurs. Ce cahier des charges fixe le seuil de désengagement de l’actionnaire cédant, le nombre ou le pourcentage de titres qu’une personne peut acquérir, le maximum de titres ou de parts que peuvent acquérir les personnes étrangères ou sous contrôle étranger. Il comprend, le cas échéant, les garanties nécessaires à la préservation des intérêts essentiels de la Nation dans les domaines concernés. Le choix du ou des acquéreurs doit répondre à des critères objectifs tels que le prix, la contribution au développement de la société concernée, la sauvegarde de l’emploi ou la protection de l’environnement ;
– Une cession de gré à gré à titre exceptionnel et uniquement lorsqu’elle est justifiée par la nécessité de recourir à des acquéreurs bénéficiant d’avantages déterminants tels que les capacités financières, techniques et ou commerciales.
 
Article 12 : Toute opération de cession prévue à l’article 2 et réalisée sans avoir fait l’objet d’un décret est réputée nulle et de nul effet.
 
Article 13 : Les statuts de toute société dont le transfert de tout ou partie du capital a été décidé en application de la présente loi sont, le cas échéant, modifiés par une assemblée générale extraordinaire tenue dans les six mois du transfert afin de les rendre conformes, le cas échéant, au droit des sociétés commerciales.
A défaut de modification des statuts à l’issue du délai prévu, toute clause contraire au droit commun des sociétés commerciales ou à la présente loi est répétée non écrite.         
 
Chapitre 3 : Protection des intérêts essentiels de l’État
 
Article 14 : I.- Les dispositions du présent article s’appliquent aux sociétés ayant une activité dont la réalisation et la continuité sont considérées comme essentielles par l’État.       
Si, dans le cadre d’une opération de cession prévue à l’article 2, la protection des intérêts essentiels du pays en matière d’ordre public, de santé publique, de sécurité publique ou de défense nationale exige qu’une action détenue par l’État, ses établissements publics, ses entreprises publiques ou par le Fonds Souverain de Djibouti soit transformée en une action spécifique assortie de tout ou partie des droits définis aux 1° à 4° du présent I, un décret prononce cette transformation et en précise les droits.
Les droits pouvant être attachés à une action spécifique sont les suivants :      
1° La soumission à un agrément préalable du ministre chargé de l’économie du franchissement, par une personne agissant seule ou de concert, de seuils de détention ou de droits de vote précisés dans le décret qui institue l’action spécifique. Cet agrément ne peut être refusé que si l’opération en cause est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels du pays qui ont justifié la création de l’action spécifique ;
2° La nomination au conseil d’administration, au conseil de surveillance ou au sein de l’organe délibérant en tenant lieu, selon le cas, d’un représentant de l’État sans voix délibérative, désigné dans les conditions fixées par le décret qui institue l’action spécifique ;
3° Le pouvoir de s’opposer aux décisions qui seraient de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels et à la souveraineté du pays, ayant pour effet, directement ou indirectement, de :  
– céder, apporter ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, y compris par dissolution ou fusion, des actifs ou types d’actifs de la société ou de ses filiales ;
– modifier les conditions d’exploitation des actifs ou types d’actifs de la société ou de ses filiales ou d’en changer la destination ;
– affecter ces actifs ou types d’actifs à titre de sûreté ou garantie.
4° La communication au ministre chargé de l’économie des informations nécessaires à l’exercice des droits prévus aux 1° et 3°, notamment les informations relatives à l’intégrité, à la pérennité et au maintien sur le territoire national des actifs ou types d’actifs mentionnés au 3°.
II. – Lorsqu’une prise de participation a été effectuée en méconnaissance du 1° du I, elle est réputée nulle et de nul effet. Les détenteurs des participations acquises irrégulièrement ne peuvent exercer les droits de vote correspondants tant que la prise de participation n’a pas fait l’objet d’un agrément par le ministre chargé de l’économie.
Le ministre chargé de l’économie informe de l’irrégularité de ces prises de participation le président du conseil d’administration ou le président du directoire de la société ou l’organe délibérant en tenant lieu, selon le cas, qui en informe la prochaine assemblée générale des actionnaires.
III. – Aussi souvent que nécessaire et au moins tous les cinq ans, l’État apprécie si les droits attachés à l’action spécifique sont nécessaires à l’objectif de protection des intérêts essentiels et à la souveraineté du pays mentionnés au I.
Au terme de cette appréciation, les droits attachés à l’action spécifique peuvent être modifiés par décret. Hormis les cas où l’indépendance nationale est en cause, l’action spécifique peut également être transformée en action simple par décret.
IV. – Lorsqu’une société dans laquelle a été instituée une action spécifique fait l’objet d’une scission ou d’une fusion ou cède, apporte ou transmet sous quelque forme que ce soit tout ou partie d’un actif de la société ou de ses filiales mentionné au 3° du I, une action spécifique peut, après que la société a été informée, être instituée dans toute société qui, à l’issue de l’opération, exerce l’activité ou défient les actifs au titre desquels la protection a été prévue.
 
Chapitre 4 : Développement de l’actionnariat national
 
Article 15 : Pour chaque opération de cession du capital prévue à l’article 2, l’actionnaire cédant peut décider d’accorder un droit de préférence aux ressortissants de la République de Djibouti ainsi qu’aux personnes morales privées de droit djiboutien.
 
Article 16 : Pour chaque opération de cession du capital prévue à l’article 2, et afin de favoriser le développement de l’actionnariat populaire, l’actionnaire cédant peut décider, selon des modalités fixées au cas par cas, qu’une partie des actions cédées peut être proposée aux salariés de la société objet de l’opération.
 
Article 17 : Pour faciliter le développement de l’épargne nationale et de l’actionnariat populaire prévues aux articles 15 et 16, l’actionnaire cédant et autorisé à :      
– Accroître, avant le lancement d’une opération de cession, le nombre des actions constituant le capital de la société objet de l’opération afin que la valeur unitaire des actions soit suffisamment abaissée pour être compatible avec les capacités d’épargne des ménages ;
– Limiter le nombre d’actions d’une même société pouvant être acquises par une même personne lois de l’opération.       
 
Chapitre 5 : Dispositions finales
 
Article 18 : Toutes dispositions nécessaires à l’application de la présente loi seront fixées par voie réglementaire.
 
Article 19 : Toutes dispositions antérieures et contraires à la présente loi sont abrogées, notamment l’article 6 de la loi n°130/AN/96/3ème L du 15 février 1997 portant conditions et modalités de privatisation de participations, d’entreprises, de biens ou d’activités relevant du secteur public.
 
Article 20 : La présente loi sera publiée dès sa promulgation.

Le Président de la République,
chef du Gouvernement
ISMAÏL OMAR GUELLEH