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Décret n° 45-1563 portant application aux territoires relevant du ministère des colonies de l’ordonnance n° 45-86 du 16 janvier 1945 relative au recensement des avoirs à l’étranger.

Vu l’ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du Comité français de la Libération nationale, ensemble les ordonnances des 3 juin et 4 septembre 1944 ;

Vu le décret du 9 septembre 1939 prohibant ou réglementant en temps de guerre l’exportation des capitaux, les opérations de change et le commerce de l’or, et les textes subséquents qui l’ont complété ou modifié ;

Vu le décret du 9 septembre 1939 portant application aux colonies et territoires africains sous mandat français, du décret du 9 septembre 1939 susvisé ;

Vu le décret du 9 septembre 1939 relatif aux avoirs à l’étranger ;

Vu le décret du 26 septembre 1939 relatif au secret professionnel ;

Vu le décret du 10 novembre 1939 portant application aux colonies du decret du 26 septembre 1939 susvisé ;

Vu l’ordonnance du 5 octobre 1943 relative à la déclaration et au blocage des avoirs en or et des avoirs à l’étranger eu en devises étrangères ;

Vu l’ordonnance du 2 février 1944 transformant la Caisse centrale de la France Libre en Caisse centrale de la France d’outre-mer ;

Vu l’ordonnance no 45-86 du 16 janvier 1945 relative au recensement des avoirs à l’étranger,

DECRETE

TITRE I-r

Dispositions applicables aux Français résidant dans un territoire relevant du Ministre des Colonies

 

Article 1er. — Tout citoyen ou sujet français ayant sa résidence habituelle dans un territoire relevant du Ministre des Colonies est tenu de déclarer à l’Office colonial des changes de ce territoire, dans un délai de deux mois à compter de la date de la mise en vigueur du présent décret, ses biens et avoirs à l’étranger tels qu’ils existent à cette date.

La même obligation incombe à toute personne morale française pour ses établissements dans les territoires relevant du Ministre des Colonies.

Art. 2. — Les personnes ayant effectué la déclaration de leurs biens et avoirs prescrite par l’ordonnance du 5 octobre 1943 relative à la déclaration et au blocage des avoirs en or et des avoirs à l’étranger ou en devises étrangères, sont dispensées de la déclaration prévue par l’article 1er ci-dessus.

Toutefois, ces personnes devront effectuer, dans un délai fixé par l’article 1er ci-dessus, une déclaration complémentaire si leur déclaration antérieure n’indique pas la totalité des avoirs visés par l’article 11 ci-après ou si de nouveaux avoirs soumis à déclaration sont entrés dans leur patrimoine entre le 1er octobre 1943 et la date de mise en vigueur du présent décret.

Art. 3. — Tout citoyen ou sujet français ou toute personne morale française ayant commis une infraction au décret du 9 septembre 1939 prescrivant la déclaration des avoirs français à l’étranger existant à la date du 31 décembre 1939, ou une infraction à l’ordonnance du. 5 octobre 1943 susvisés en ce qui concerne la déclaration de ses avoirs à l’étranger bénéficiera d’une amnistie pour lesdites infractions, moyennant payement, au moment de la déclaration prescrite par l’article 1re ou l’article 2e ci-dessus, d’une amende transactionnelle dite « droit de légitimnation » égale au cinquième de la valeur actuelle des avoirs précédemment non déclarés ;

Les avoirs dont la situation aura été ainsi régularisée ne pourront être l’objet d’aucune réclamation fiscale du chef des impôts, droits ou taxes dont le fait générateur est

antérieur à la date d’entrée en vigueur du présent décret, à condition que ces impôts, droits ou taxes n’aient motivé l’engagement d’aucune procédure administrative ou judiciaire avant cette date.

Art. 4. — Tout citoyen ou sujet français qui s’abstiendra de procéder à la déclaration de ses biens et avoirs à l’étranger dans les délais fixés par l’article 1er ci-dessus ou s’abstiendra de compléter dans les mêmes délais la déclaration faite en application de l’ordonnance du 5 octobre 1913 susvisée, ou fera sciemment une déclaration inexacte, sera passible des peines d’emprisonnement portées par l’article 193 du code de Justice militaire sanctionnant l’insoumission en temps de guerre et d’une amende qui ne pourra être inférieure à dix fois la valeur des avoirs ayant donné lieu à infraction.

Le tribunal pourra, en outre, prononcer la confiscation, au profit de la nation, de tous les biens présents et à venir du délinquant, de quelque nature qu’ils soient, meubles ou immeubles, divis ou indivis, suivant les modalités prévues par les articles 199 et suivants du code de justice militaire sanction nant l’insoumission en temps de guérie.

Les dispositions de la loi du 26 mars 1891 relative au sursis ne seront pas applicables en la matière.

Sous réserve les dispositions des trois alinéas ci-dessus, les défauts de déclaration, retards, omissions ou (insuffisances seront constatés, poursuivis et réprimés devant 1er juridictions de droit commun dans les conditions prévues par le décret du 9 septembre 1939 susvisé relatif aux avoirs à l’etranger.

Art. 5. — Les personnes qui, pour des raisons de force majeure, notamment faute de moyens de communication ou de transport, ne sont pas en mesure de fournir une déclaration complète dans les délais fixés par l’article 1 er ci-dessus, peuvent s’assurer le bénéfice des dispositions de l’article 3 en souscrivant une déclaration de principe dite « déclaration provisoire » dans les conditions qui seront définies par un arrêté pris conjointement par le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances.

Art. 6. — Les propriétaires d’avoirs à l’étranger ne peuvent procéder, sauf autorisations générales de la caisse centrale de la France d’outre-mer ou autorisations particulières des offices coloniaux des changes, à aucun acte de disposition sur lesdits avoirs, ni à aucun acte ayant effet d’en

modifier la consistance ou de réduire les droits qu’ils possèdent sur ces avoirs.

Toutefois, sont autorisés de plein droit les actes de gestion effectués par les établissements à l’étranger de personnes morales françaises, ainsi que par les entreprises à l’étranger appartenant à des personnes physiques résidant dans les territoires relevant du Ministre des Colonies.

 

TITRE II

Dispositions applicables aux étrangers résidant dans les territoires relevant du Ministre des Colonies.

 

Art. 7. — L’obligation de déclaration édictée par les articles 1er et 2 ci-dessus s’applique également aux personnes physiques de nationalité étrangère ayant résidence habituelle dans les territoires relevant du Ministre des Colonies et aux personnes morales étrangères pour leurs établissements dans ces territoires.

Art. 8. — Les defauts de déclaration, retards, omissions ou insuffisances seront constatés, poursuivis et réprimés dans les mêmes conditions que les infractions au décret du 9 septembre 1939 prohibant ou réglementant en temps de guerre l’exportation des capitaux, les opérations de change et le commerce de l’or.

 

TITRE III

Dispositions applicables aux personnes résidant à l’étranger et transférant leur résidence dans un territoire relevant du Ministre des Colonies

 

Art. 9. — Toute personne physique, quelle que soit sa nationalité, transférant sa résidence habituelle de l’étranger dans un territoire relevant du Ministre des Colonies, es tenue, dans un délai de six mois à compter du jour de changement de résidence, de faire, s’il y a lieu, la déclaration prévue par l’article 1er ou la déclaration prévue par l’article 7.

Toute personne morale étrangère pour chaque établissement nouvellement créé dans un territoire relevant du Ministre des Colonies est également tenue, dans un délai de six mois à compter de la création de l’établissement, de faire s’il y a lieu, la déclaration prévue par l’article 7.

Les déclarations prévues au présent article portent sur les avoirs à l’étranger possédés à la date du changement de la résidence ou de la création de l’établissement.

Art. 10. — Les infractions aux dispositions du présent titre seront constatées, poursuivies et réprimées en ce qui concerne les citoyens et sujets français dans les mêmes con ditions que les infractions aux dispositions du titre I ci-dessus.

En ce qui concerne les personnes physiques de nationalité étrangère et les personnes morales étrangères pour leurs établissements nouvellement créés dans les territoires relevant du Ministre des Colonies, dans les mêmes conditions que les infractions aux dispositions du titre II cidessus.

 

TITRE IV

Dispositions communes

 

Art. 11. — Sont considérés comme avoirs à l’étranger au sens du présent décret l’or, les moyens de payement et les valeurs mobilières conservés à l’étranger, ainsi que d’une façon générale tous biens, droits et intérêts à l’étranger, représentés ou non par des titres.

Toutefois, lorsque l’ensemble des avoirs à déclarer par une même personne ne dépasse pas une valeur totale de 20.000 francs, leur propriétaire est dispensé de la déclaration prescrite.

Art. 12. — Les avoirs à l’étranger qui en trent postérieurement à la date fixée pour leur déclaration dans le patrimoine d’une personne soumise aux obligations définies par les articles 1 er, 7 et 9 doivent faire l’objet d’une déclaration complémentaire, selon les modalités et dans les conditions qui seront fixées par la caisse centrale de la Francains sous mandat français du décret du 9 ce d outre-mer.

Art. 13 — Les personnes visées aux articles 1re et 7 ne sont pas tenues de déclarer les avoirs conservés à l’étranger pour leur compte par des intermédiaires établis dans les territoires français.

Les intermédiaires établis dans un territoire relevant du Ministre des Colonies sont tenus de déclarer, dans les conditions qui seront fixées par un arrêté pris conjointement par le Ministre des Colonies et par le Ministre des Finances, les avoirs qu’ils détiennent à l’étranger pour compte de personnes physiques résidant dans un territoire français, de personnes morales françaises

et d’établissements dans les territoires français de personnes morales étrangères.

Art. 14 — Le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances peuvent, par des arrêtés pris conjointement, étendre les obligations édictées par les articles 1er, 2, 7, 9 et 12, aux représentants ou mandataires des propriétaires d’avoirs soumis à déclaration dans les territoires français.

Art. 15. — Les dispositions de l’article 6 ci-dessus sont applicables aux propriétaires d’avoirs soumis à déclaration en vertu des articles 9 et 12.

Art. 16. — Les infractions ou tentatives d’infraction aux dispositions des articles 6, 12, 13 et 14 ci-dessus sont constatées, pour suivies et réprimées dans les mêmes conditions que les infractions au décret du 9 septembre 1939 prohibant ou réglementant en temps de guerre l’exportation des capitaux les opérations de change et le commerce de l’or.

Art. 17. — Des arrêtés pris conjointement par le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances détermineront les modalités d’application du présent décret.

Art. 18. — Le Ministre des Colonies et le Ministre des Finances sont chargés chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal Officiel de la République Française.

 

 

Ch. DE GAULLE.

Par le Gouvernement provisoire

de la République française :

Le Ministre des Colonies,

P. GIACOBBI.

Le Ministre des Finances,

R. PLEVEN.