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Loi n° 03/AN/13/7ème L complétant les dispositions législatives relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption.

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;
VU La Loi n°96/AN/05/5ème L du 08 février 2005 portant ratification de la Convention des Nations Unies contre la corruption ;
VU La Loi n°59/AN/94 du 05 janvier 1995 portant Code Pénal ;
VU La Loi n°60/AN/94 du 5 janvier 1995 portant Code de Procédure Pénale ;
VU Loi n°196/AN/02/4ème L du 29 décembre 2002 relative au blanchiment, à la confiscation et à la coopération internationale en matière de produit du crime ;
VU La Loi n°110/AN/6ème L du 25 mai 2011 relative à la lutte contre le financement du terrorisme ;
VU La Loi n°111/AN/6ème L du 25 mai 2011 relative à la lutte contre le terrorisme et autres infractions graves ;
VU La Loi n°112/AN/11/6ème L du 25 mai 2011 compétant la Loi n°196/AN/02/4ème L relative au blanchiment, à la confiscation et à la coopération internationale en matière de produit du crime ;
VU Le Décret n°2013-0044/PRE du 31 mars 2013 portant nomination du Premier Ministre ;
VU Le Décret n°2013-0045/PRE du 31 mars 2013 portant nomination des membres du Gouvernement ;
VU Le Décret n°2013-0058/PRE du 14 avril 2013 fixant les attributions des Ministères ;
VU La Circulaire n°70/PAN du 02/06/13 portant convocation de la troisième séance publique de l’Assemblée nationale ;

Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 11 Décembre 2012.

CHAPITRE I : DISPOSITION GENERALE

Article 1 : La présente loi complète les dispositions législatives relatives à la prévention et à la lutte contre la corruption notamment la Convention des Nations Unies contre la corruption, le code pénal et les dispositions des lois n°110/AN/6èmeL, n°111/AN/6èmeL, n°112/AN/11/6ème L du 25 mai 2011.

CHAPITRE II : COMMSSION NATIONALE POUR LA PREVENTION ET LA LUTTE CONTRE LE CORRUPTION

Section 1 : dispositions générales

Article 2 : Pour la mise en oeuvre de la stratégie nationale en matière de lutte contre la corruption, il est crée une commission nationale indépendante chargée de prévenir et de lutter contre la corruption.

Article 3 : La commission nationale indépendante pour la prévention et la lutte contre la corruption est une autorité administrative indépendante jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière, placée auprès de la Présidence de la République.

Article 4 : L’organisation et les modalités de fonctionnement de ladite commission sont fixées par voie réglementaire.

Section 2 : attributions

Article 5 : La commission reçoit les réclamations des personnes physiques ou morales se rapportant à des faits de corruption. Elle exploite les informations et enquêtes sur les dénonciations et plaintes relatives au soupçon de corruption dont elle est saisie. Si, après enquête, celle-ci estime qu’elle dispose d’un ensemble des éléments pour justifier l’ouverture d’une procédure judicaire, elle saisit les juridictions compétentes.

Article 6 : La commission mène régulièrement des investigations et des travaux de recherche sur les causes et l’étendue de la corruption. Elle réfléchit et développe les meilleures stratégies et politiques, nationales et sectorielles en vue de son éradication.

Article 7 : La commission présente au Président de la République, un rapport annuel sur l’évaluation des activités de prévention et de lutte contre la corruption, les insuffisances constatées et la mise en vigueur des recommandations.

Article 8 : Elle donne son avis sur tout projet de texte relatif à la corruption.

Article 9 : La commission évalue périodiquement les instruments juridiques et les mesures administratives en la matière afin de déterminer leur efficacité dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption;

Article 10 : Elle dispense des conseils sur la prévention de la corruption à toute personne ou tout organisme public ou privé qui fait appel à ses services.
Elle éduque et sensibilise le pouvoir public, le secteur privé et la société civile sur les dangers de la corruption.

Article 11 : La commission veille au renforcement de la coordination intersectorielle et au développement de la coopération avec les autres entités de lutte contre la corruption.

Article 12 : La commission recherche toute assistance technique et financière dans le cadre de la coopération internationale et régionale. Elle échange des informations avec les commissions des pays étrangers pour prévenir et combattre la corruption.

Section 3 : composition

Article 13 : La commission nationale pour la prévention et la lutte contre la corruption comprend neuf membres nommés par décret du Président de la République. Les membres y compris le président sont nommés pour une période de 4 années non renouvelable.
Les membres doivent être des personnalités connues et reconnues pour leur intégrité morale et leur probité.

Article 14 : Les membres sont issus pour part égale : De l’administration publique,
Du secteur privé et de la société civile, Et des élus.
Les membres doivent être en majorité des administrateurs, des juristes, économistes et des comptables d’expérience.
Avant d’entrée en fonction, les membres de la commission prêtent serment sur le Coran, devant la Cour Suprême, selon la formule suivante : “Je jure de bien remplir fidèlement et loyalement, en toute impartialité et équité les fonctions dont je suis investi, de respecter en toute circonstance les obligations qu’elles m’imposent et de garder le secret des délibérations auxquelles j’ai pris part”.
Article 15 : Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres avant l’expiration de leur mandat qu’en cas de faute grave ou de comportement indigne, dûment constaté par la majorité des membres qui dresse un procès verbal.
Le procès verbal est transmis au Président de la République qui peut à son tour faire diligenter une enquête.
Si l’enquête confirme les faits incriminés, l’intéressé est suspendu et la procédure de révocation enclenchée.

Article 16 : Les membres de la commission sont tenus de respecter leur serment, en gardant religieusement l’objet des plaintes et réclamations ainsi que le secret des délibérations.
Ils ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés ou jugés pour des faits, actes, mesures prises ou des opinions émises dans l’exercice de leurs fonctions.
Les victimes, témoins, dénonciateurs et leurs proches bénéficieront d’une protection de l’Etat contre les actes éventuels de représailles ou d’intimidation.

Article 17 : La commission est assistée d’un secrétariat dont la composition et le fonctionnement sont définis par décret pris en application de la présente loi.

CHAPITRE III : MESURES DE PREVENTION

Section 1 : Les mesures de prévention d’ordre général.

Article 18 : Les responsables des entités publiques, ceux des établissements privés, des sociétés et des organisations non gouvernementales, ont l’obligation de mettre sur pied des mécanismes de prévention de la corruption.

Article 19 : Pour prévenir la corruption, les institutions et organisations mentionnées à l’article précédent doivent au moins :
a) promouvoir la transparence et la bonne gouvernance ;
b) élaborer avec les experts du ministère de l’éducation nationale un programme de sensibilisation et d’éducation sur la prévention et la lutte contre la corruption ;
c) élaborer et adopter un manuel de procédure qui indique et précise les prises de décisions à tous les niveaux ;
d) déterminer le délai butoir de prise des décisions et les règles y afférentes ;
e) respecter la procédure d’appel d’offre dans la passation des marchés ;
f) mettre en place un service d’audit interne ;
g) faire des rapports desdits audits aux organes habilités ;
h) arrêter le code de conduite du personnel ;
i) recruter le personnel sur concours ;
j) garantir et veiller à la déontologie professionnelle ;
k) traiter sur un même pied d’égalité les requérants des services et leur faire éviter toute manoeuvre dilatoire et préjudiciable ;
L) et prendre toute autre mesure susceptible de contribuer à la réalisation des objectifs définis par la présente loi

Article 20 : Tout employeur est tenu de mettre en place des programmes d’éducation et de sensibilisation sur les méfaits de la corruption à l’endroit du personnel placé sous son autorité.

Article 21 : Sous réserve des dispositions légales, la presse peut participer à la prévention et à la lutte contre les actes de corruption en publiant les faits de corruption dont elle a connaissance.
La commission ainsi que les autres services impliqués, dans la prévention et la lutte contre la corruption doivent développer des mécanismes de collaboration avec la presse.

Section 2 : Les mesures particulières au secteur privé

Article 22 : Des mesures destinées à prévenir la corruption sont prises dans le secteur privé conformément à la présente loi.
Les mesures prises à cet effet doivent notamment inclure :
– la promotion de la transparence et de la bonne gouvernance au niveau du secteur privé ;
– l’élaboration, l’adoption et la promotion de normes et procédures visant à préserver l’intégrité des entités privées ;
– le renforcement de la coopération entre les services de détection et de répression de la corruption et le secteur privé
– la mise en place d’audits internes au sein des entreprises privées.

Section 3 : Les mesures particulières à la société civile

Article 23 : La participation de la société civile à la prévention et à la lutte contre la corruption est encouragée à travers notamment:
– la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques;
– les programmes d’enseignement, d’éducation et de sensibilisation sur ce fléau ;
– l’accès effectif des médias et du public à l’information concernant les effets de la corruption sous réserve de la protection de la vie privée, de l’honneur, de la dignité des personnes, des impératifs de sécurité nationale, de l’ordre public ainsi que de l’indépendance de la justice.

CHAPITRE IV : DECLARATION DE PATRIMOINE

Section 1 : Obligation de déclaration de patrimoine

Article 24 : Dans un souci de transparence de la vie politique et administrative, il est fait obligation aux agents de l’Etat mentionnés à l’article 26 de déclarer leur patrimoine.
Cette déclaration doit être faite par l’intéressé dans le délai d’un mois à compter de la date de sa prise de fonction.
En cas de modification substantielle de son patrimoine, le déclarant procède au renouvellement de celle-ci dans un délai d’un mois à compter de cette modification.
La déclaration est également établie en fin de mandat ou à la cessation de sa fonction. La déclaration est faite auprès de la commission qui ordonne sa publication au journal officiel dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

Section 2 : Le contenu de la déclaration de Patrimoine

Article 25 : La déclaration de patrimoine prévue à l’article précédent porte sur l’inventaire des biens mobiliers et immobiliers sur le territoire national comme à l’étranger dont il est lui-même propriétaire ainsi que ceux appartenant à son conjoint et à ses enfants mineurs.
Le modèle de la déclaration sera défini par arrête du Président de la République.

Section 3 : Les personnes assujetties à la déclaration de patrimoine

Article 26 : Sont assujettis à cette déclaration :
– le Président de la République ;
– les membres du l’Assemblée Nationale ;
– les membres du Gouvernement ;
– les membres du Conseil Constitutionnel le médiateur le médiateur ;
– les magistrats ;
– le gouverneur de la Banque Centrale ;
– les ambassadeurs et les consuls généraux ;
– les élus locaux ;
– les officiers supérieurs et chef des corps de l’armée nationale, de – la gendarmerie nationale, de la garde républicaine, de la police nationale, et des gardes Côtes, le Chef du corps de la protection civile ;
– les secrétaires généraux, directeurs et chefs de cabinet ;
– les directeurs du trésor, des impôts, de la douane, du domaine et de la conservation foncière ;
– les directeurs et chefs de projets ;
– le président de l’université ;
– les directeurs et agents comptables des établissements publics et sociétés nationales ou binationales ;
– ainsi que tout agent occupant une fonction supérieure de l’Etat notamment les ordonnateurs et receveurs des dépenses publiques.
La commission peut demander à tout autre agent public de procéder à la déclaration de patrimoine.

Section 4 : Le défaut de déclaration de patrimoine

Article 27 : Le fait, pour une personne assujettie à la déclaration de patrimoine de ne pas faire de déclaration ou de faire une déclaration comportant des mentions inexactes, incomplètes ou fausses est punie de 500 000 FD à 3000 000 FD d’amende.

CHAPITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES

Section 1 : Gels, saisie confiscation des biens

Article 28 : Les revenus et biens illicites provenant d’une ou de plusieurs infractions prévues à la présente loi peuvent être saisis ou gelés par décision de justice ou ordre de l’autorité compétente. En cas de condamnation pour infractions prévues par la présente loi, la juridiction ordonne, sous réserve des cas de restitution d’avoirs ou des droits des tiers de bonne foi, la confiscation des revenus et biens illicites.
La juridiction ordonne, en outre, la restitution des biens détournés ou de la valeur de l’intérêt ou du gain obtenu, même au cas où ces biens auraient été transmis aux ascendants, descendants, collatéraux, conjoint et alliés du condamné et qu’ils soient demeurés en leur état ou transformés en quelque autre bien que ce soit.

Section 2 : Des conséquences d’actes de corruption

Article 29 : Tout contrat, transaction, licence, concession ou autorisation, engagé, au nom de l’Administration, Collectivité Locale, ou des Etablissements Publiques, obtenu, par la commission de l’une des infractions prévues par la présente loi et la législation visée par l’article 1 précédemment susvisé, peut être déclaré nul et non avenu par la juridiction saisie, sous réserve des droits des tiers de bonne foi.

CHAPITRE VI : LA COOPERATION INTERNATIONALE

Article 30 : Sous réserve de réciprocité, l’entraide judiciaire la plus large est accordée aux Etats parties à la convention des Nations Unies contre la corruption.

CHAPITRE VII : DISPOSITIONS FINALES

Article 31 : Des Décrets pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre de la Justice détermineront les conditions d’applications de la présente Loi.

Article 32 : Toutes les dispositions antérieures contraires à la présente Loi sont abrogées.

Article 33 : La présente Loi entre en vigueur dès sa publication au Journal Officiel de la République.

Le Président de la République,
chef du Gouvernement
ISMAÏL OMAR GUELLEH