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Ordonnance n° 86-089/PR/J relative à la discipline des huissiers de justice, des commissaires-priseurs et des notaires.
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT
VU Les lois constitutionnelles n°s LR/77-001 et LR/77-002 du 27 juin 1977,
VU l’ordonnance n°LR/77-008 en date du 30 juin 1977 ;
VU le décret n°82-041/PRE du 5 juin 1982 portant nomination des membres du Gouvernement ;
VU les dispositions de l’ordonnance n°LR/77-014 du 29 juillet 1977 sur le fonctionnement de la Justice ;
VU les dispositions de l’ordonnance n°85-033/PR/J du 19 mars 1985 relative à l’organisation de la profession d’huissier de Justice ;
VU la nécessité de compléter cette ordonnance par les dispositions relatives à la discipline des membres de la nouvelle profession ;
VU la loi n°38/AN/83/1ère L du 19 Mmrs 1983 relative à la discipline des notaires ;
VU le décret n°86-063/PRE du 7 juillet 1986 confiant au premier ministre les fonctions du chef du Gouvernement pendant l’absence du Président de la République ;
Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 2 septembre 1986
ORDONNE
Article 1er : Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux huissiers de justice, aux commissaires-priseurs et aux notaires.
TITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 2 : Toute convention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse commis par un notaire, un huissier ou un commissaire-priseur, même se rapportant à des faits extra-professionnels, donne lieu à sanction disciplinaire.
La juridiction saisie applique, suivant la gravité des cas et dans la limite de ses pouvoirs, l’une des peines énumérées à l’article 3 ci-après. Toutefois lorsqu’une disposition légale ou réglementaire prévoit une incrimination spéciale punie d’une peine déterminée, cette peine seule peut être prononcée par le juge.
L’huissier de justice, le commissaire-priseur ou le notaire peut être poursuivi disciplinairement, même après l’acceptation de sa démission, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l’exercice de ses fonctions. Si la sanction est prononcée, alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l’office quelle que soit la peine infligée.
Article 3 : Les peines disciplinaires sont :
1 – Le rappel à l’ordre,
2 – Le blâme,
3 – L’interdiction temporaire,
4 – La destitution.
Article 4 : Les huissiers de justice, les commissaires-priseurs et les notaires destitués ne sont pas inscrits sur les listes électorales dressées pour l’exercice des droits civiques.
TITRE II
DES JURIDICTIONS DISCIPLINAIRES
Article 5 : L’huissier de justice, le commissaire-priseur ou le notaire, est poursuivi disciplinairement à l’initiative du Procureur de la République ou du magistrat en faisant fonction, devant la chambre disciplinaire de première instance composée de trois magistrats : les présidents des deux premières chambres civiles et le président du tribunal du travail. Le plus ancien dans le grade le plus élevé de ces magistrats préside cette chambre qui ne peut être saisie que par la citation du procureur.
Article 6 : Le Procureur agit d’office, à la requête du président de la Cour Judiciaire, d’un autre membre de la profession ou d’une partie se plaignant des agissements de l’huissier, du commissaire-priseur ou du notaire.
Article 7 : Lorsqu’il est saisi d’une demande de poursuite par le premier président de la Cour judiciaire, le procureur a l’obligation de saisir la chambre disciplinaire de 1ère instance des faits dénoncés par le magistrat. Il est libre de sa décision dans les autres cas.
Article 8 : Le Procureur instruit l’affaire dans tous les cas et peut, à cette fin, entendre toute personne utile, y compris l’huissier de justice, le commissaire-priseur ou le notaire poursuivi.
Il peut également rechercher et saisir toute pièce et tout document utile à la manifestation de la vérité, à charge pour lui, en pareil cas, de faire scrupuleusement inventaire des pièces et documents saisis, en présence de l’huissier ou de son représentant, et de verser immédiatement les pièces et documents saisis dans le dossier de la poursuite ou, selon le cas, au greffe de la Cour Judiciaire.
Article 9 : Le Procureur cite ensuite l’huissier, le commissaire-priseur ou le notaire, à comparaître huit jours au moins à l’avance, par exploit ou par lettre recommandée, précisant, à peine de nullité de la saisine, les faits qui font l’objet de la poursuite.
Article 10 : Les témoins et les parties civiles, comme le prévenu, sont cités au moins à huitaine franche, sans augmentation en raison des distances, sauf s’ils résident à l’étranger.
Article 11 : La chambre disciplinaire de 1ère instance désigne aussitôt un rapporteur, lequel s’assure que le dossier est régulièrement constitué et en état de recevoir jugement.
A défaut il prend lui-même les initiatives requises pour que l’affaire puisse être appelée et jugée au fond un mois au plus après sa désignation et sans qu’aucune nouvelle mesure d’instruction telle qu’expertise, perquisition ou saisie, puisse venir retarder le cours de l’action disciplinaire après l’ouverture des débats d’audience.
Article 12 : Le prévenu comparait en personne assisté, s’il l’estime utile, d’un avocat.
Article 13 : Il n’est admis en aucun cas à faire juridiquement défaut et, en cas de non comparution à l’audience, il est passé outre aux débats et donné lecture de ses éventuels interrogatoires.
Article 14 : Les débats ont lieu en chambre du Conseil.
Article 15 : Après avoir pris connaissance des explications du rapporteur et reçu l’audition des témoins cités à la requête du Parquet ou des parties, la chambre disciplinaire entend successivement les parties civiles éventuelles en leur demande de réparation, le Procureur en ses réquisitions et le prévenu en ses explications.
Celui-ci est entendu le dernier et peut faire plaider sa cause par un avocat inscrit au barreau.
La décision, prise à la majorité et à huis clos, est rendue en audience publique.
Article 16 : La décision rendue à l’encontre du prévenu non comparant et régulièrement cité, est réputée contradictoire.
Article 17 : La peine prononcée, sous réserve des prescriptions de l’article 2, alinéa 2, est l’une de celle prévue par l’article 3 de la présente ordonnance.
Article 18 : La décision est provisoirement exécutoire dès son prononcé, si elle est contradictoire, et à compter de la signification, quel qu’en soit le mode. La décision doit toutefois être signifiée dans tous les cas.
Article 19 : Lorsqu’un huissier de justice ou un commissaire-priseur commet une faute disciplinaire à l’audience d’une juridiction, celle-ci, agissant d’office ou sur réquisitions du procureur, fait dresser procès-verbal par le greffier d’audience, reçoit les explications de l’huissier ou du commissaire-priseur, et prononce sur le champ l’une des peines prévues par l’article 3 ci-dessus.
TITRE III
DES VOIES DE RECOURS
Article 20 : Le rappel à l’ordre et le blâme ne peuvent faire l’objet d’aucun recours.
DE LA JURIDICTION DISCIPLINAIRE D’APPEL
Article 21 : Les jugements rendus en matière disciplinaire par la chambre disciplinaire de 1ère instance et ordonnant soit l’interdiction temporaire, soit la destitution, peuvent être déférés à la chambre disciplinaire d’appel de la Cour Judiciaire.
Article 22 : Cette chambre est nécessairement composée du premier Président de la Cour Judiciaire qui la préside et ne peut déléguer ses fonctions disciplinaires assisté des deux magistrats professionnels de la chambre civile.
Article 23 : La procédure suivie devant cette formation disciplinaire d’appel est celle en usage devant la chambre des appels civils, à ceci près que le condamné appelant n’est admis en aucun cas à faire défaut.
Article 24 : Les délais et les formes de l’appel sont ceux du droit commun en matière civile.
L’arrêt est nécessairement signifié au condamné, aux parties civiles et au procureur de la République.
DU POURVOI EN CASSATION
Article 25 : Les arrêts rendus en matière disciplinaire par la chambre disciplinaire d’appel sont passibles de pourvoi en cassation devant la Cour Suprême.
Les seuls moyens admissibles sont l’excès de pouvoir et la violation de la loi ou des formes de procéder.
Article 26 : La procédure en usage devant la Cour suprême pour l’instruction et le jugement des pourvois est celle en usage devant cette juridiction en matière civile.
Toutefois le délai de pourvoi est réduit à cinq jours courant, dans tous les cas, du jour de la signification de l’arrêt, quelqu’en soit le mode, à l’encontre du prévenu ou des parties civiles et du jour de l’audience contre le Ministère Public.
TITRE IV
DE L’ EFFET DES PEINES DISCIPLINAIRES
Article 27 : Les peines du rappel à l’ordre et du blâme sont réputées exécutées par l’effet même de la décision prononcée, si celle-ci est contradictoire, ou de sa signification, si elle est réputée contradictoire.
Article 28 : La juridiction qui prononce une peine d’interdiction temporaire ou de destitution contre un administrateur qui remplace dans ses fonctions l’huissier, le commissaire-priseur ou le notaire interdit ou destitué.
L’administrateur perçoit à son profit les émoluments et autres rémunérations relatifs aux actes qu’il a accomplis. Il paie, à concurrence des produits de l’office, les charges afférentes au fonctionnement de cet office.
Article 29 : Les huissiers, les commissaires-priseurs ou les notaires interdits ne peuvent, pendant la durée de cette interdiction, exercer aucune activité dans leur office ou pour le compte de celui-ci, ni recevoir la clientèle, fût-ce pour élaborer des projets, ni même faire état dans leur correspondance et pendant toute la durée de leur suspension, de leur qualité d’officier ministériel.
Article 30 : Les huissiers, les commissaires-priseurs ou les notaires destitués cessent définitivement sauf s’ils viennent à bénéficier de la réhabilitation ou d’une amnistie effaçant les infractions et fautes disciplinaires l’exercice de leur activité professionnelle dès que la décision les concernant est devenue exécutoire. Ils ne peuvent plus signer aucun acte professionnel, recevoir la clientèle, élaborer des projets ni faire état, dans leur correspondance, de leur ancienne qualité.
Article 31 : Dans un délai de cinq jours à compter de celui où la décision est devenue exécutoire, l’officier ministériel interdit ou destitué remet à l’administrateur commis toutes les minutes reçues pendant les années antérieures, les répertoires et les livres de comptabilité,. ainsi que les dossiers en cours.
Ces documents sont remis par l’administrateur, soit au titulaire de l’office, la peine de suspension une fois subie, soit, en cas de destitution, à son successeur dès la prestation de serment de celui-ci.
Article 32 : L’administrateur d’un office dont le titulaire est interdit ou destitué doit payer aux clercs et employés, sur les produits de l’office, les salaires et indemnités de toute nature prévus par les conventions particulières ou collectives et par les règlements en vigueur.
Il a la faculté de donner congé à tout ou partie des clercs et employés de l’étude. Dans ce cas, il doit régler toutes les indemnités consécutives au licenciement prévues par la réglementation en vigueur ou par les conventions particulières ou collectives.
Article 33 : Si les produits de l’office sont insuffisants pour assurer le paiement des dépenses prévues aux articles 28 et 32, le Ministère Public peut demander au Président de la juridiction disciplinaire d’appel d’ordonner la fermeture de l’étude.
Les sommes impayées donnent lieu à recours sur l’officier ministériel interdit ou destitué.
Article 34 : La nullité des actes accomplis par un officier ministériel suspendu ou interdit au mépris des prohibitions édictées par les articles ci-dessus, peut être judiciairement prononcée aux conditions du droit commun et l’officier ministériel, suspendu ou destitué, être condamné à la demande des personnes victimes de ces annulations, à en réparer intégralement les conséquences.
Sont également nuls de droit tous actes, traités ou conventions tendant directement ou indirectement à faire échec aux prescriptions desdits articles 29 et 30.
La nullité peut être déclarée par la juridiction civile de droit commun, à la requête de tout intéressé ou du Ministère Public, lorsque l’acte annulé concerne des mineurs, des incapables ou des indigents.
La décision d’annulation de l’acte irrégulièrement accompli, vaut à l’égard de tous.
Article 35 : Les infractions aux dispositions des articles 29 et 30 sont punies des peines de six mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 à 3 millions de francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Sont notamment déclarées complices de ces infractions toutes personnes intervenues, à un titre quelconque, aux actes, traités ou conventions prévus par l’alinéa 2 de l’article 34 ci-dessus.
Les infractions aux dispositions de l’article 31 ci-dessus sont punies des peines de 300 000 à 2 millions de francs et de 3 mois à un an d’emprisonnement ou de l’une de ces deux peines seulement.
TITRE V
DE LA SUSPENSION PROVISOIRE
Article 36 : Tout huissier, commissaire-priseur ou notaire qui fait l’objet d’une poursuite pénale ou disciplinaire peut se voir suspendre provisoirement de l’exercice de ses fonctions.
En cas d’urgence, la suspension provisoire peut être prononcée, même avant l’exercice des poursuites pénales ou disciplinaires, si des inspections ou vérifications ont laissé apparaître des risques pour les fonds, effets ou valeurs qui sont confiés à l’huissier, au commissaire-priseur ou au notaire à raison de ses fonctions.
Article 37 : La suspension provisoire est prononcée par le Ministre de la Justice sur le rapport écrit du Ministère Public.
Lorsque la suspension provisoire est prononcée, le premier président de la Cour judiciaire commet un administrateur dont la mission, les obligations et les droits sont les mêmes que ceux de l’administrateur commis par la juridiction disciplinaire en vertu des dispositions de l’article 28 ci-dessus.
Article 38 : Les effets de la suspension provisoire sont, pour la durée de ladite suspension, ceux prévus par les articles 29, 32, 33, 34 et 35 ci-dessus.
Article 39 : Le Ministre de la Justice peut à tout moment, à la requête soit du Ministère Public, soit de l’officier ministériel, mettre fin à la suspension provisoire.
La suspension cesse de plein droit dès que les actions pénales et disciplinaires sont éteintes. Elle cesse également de plein droit dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article 36 si, à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de son prononcé, aucune poursuite pénale ou disciplinaire n’a été engagée.
Les actes sont régulièrement reçus, délivrés ou accomplis par l’administrateur jusqu’au jour où celui-ci reçoit notification.
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 40 : Tout huissier de justice ou commissaire-priseur qui ne prête pas le serment professionnel dans les deux mois de la publication de sa nomination au Journal Officiel est, sauf s’il peut justifier d’un cas de force majeure, déchu du bénéfice de sa nomination.
Article 41 : Peut, en outre, être déclaré démissionnaire d’office : après avoir été mis en demeure de présenter ses observations, le notaire, l’huissier de justice ou le commissaire-priseur qui, soit en raison de son éloignement prolongé de sa résidence, soit en raison de son état physique ou mental, est empêché d’assurer l’exercice normal de ses fonctions. Les mêmes dispositions sont applicables lorsque, par des manquements répétés à ses obligations professionnelles, le notaire, l’huissier ou le commissaire-priseur a révélé son inaptitude à assurer l’exercice normal de ses fonctions.
L’empêchement ou l’inaptitude doit avoir été constaté par l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour Judiciaire saisie par le Ministère Public. Elle statue après avoir entendu le Procureur Général, s’il est présent, l’huissier de justice ou le commissaire-priseur préalablement appelé, ou son représentant qui peut être un avocat.
La démission d’office ne fait pas obstacle à l’exercice de poursuites disciplinaires contre l’huissier de Justice ou le commissaire-priseur, si les faits qui lui sont reprochés ont été commis pendant l’exercice de ses fonctions. Si la sanction est prononcée alors que la nomination de son successeur est déjà intervenue, celui-ci demeure titulaire de l’office quelle que soit la peine infligée.
Article 42 : En matière disciplinaire, la prescription est de trente ans.
Article 43 : Les frais auxquels donnent lieu les procédures prévues par la présente ordonnance sont liquidés, payés et recouvrés d’après les règles applicables en matière civile.
Article 44 : Sont abrogées la loi n°38/AN/83/1ère L du 19 mars 1983, relative à la discipline des notaires, ainsi que les dispositions des articles 30 et 32 de l’ordonnance n°85-033/PR/J du 19 mars 1985 relatives à l’organisation de la profession d’huissier de Justice.
Article 45 : L’article 35 de l’ordonnance n°85-033/R/J du 19 mars 1985 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :
« En cas d’interdiction temporaire ou de destitution d’un huissier de justice, il est procédé au remplacement de cet officier ministériel interdit ou suspendu dans les formes prévues par l’ordonnance relative à la discipline des huissiers de justice, commissaires-priseurs et notaires ».
Article 46 : Il y a lieu de rectifier comme suit les erreurs matérielles contenues dans le texte de l’ordonnance n°85-033/PR/J du 19 mars 1985.
– Article 15, al.2 : « … de l’assemblée générale visée à l’article 3 » (et non à l’article 4).
– Article 23 : « …. ce qui est dit à l’article 38 ci-après…) ».
– Article 24, al.2, dernière phrase : « Celle-ci pourra toutefois être autorisée par le Procureur Général près la Cour Judiciaire ».
Article 47 : Le Ministre de la Justice est chargé de l’exécution de la présente ordonnance qui sera publiée selon la procédure d’urgence et prendra effet dès cette publication. Elle sera en outre publiée au Journal Officiel de la République .
Par le Premier ministre, chef du gouvernement p.i.,
BARKAT GOURAD HAMADOU