Effectuer une recherche

Loi n° 159/AN/16/7ème L portant statut des réfugiés en République de Djibouti.

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;

VU La Loi constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L portant révision de la Constitution du 21 avril 2010 ;

VU La Loi n°150/AN/06/5ème L du 21 juin 2006 portant ratification de la Convention de l’OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique ;

VU La Loi n°201/AN/07/5ème L du 22 décembre 2007 fixant les conditions d’entrée et de séjour en République de Djibouti ;

VU Le Décret n°77-054/PR/AE portant création de la Commission Nationale d’Eligibilité des réfugiés du 9 novembre 1977 ;

VU Le Décret n°78-020/PR portant création d’un Comité National d’Assistance aux   réfugiés et aux sinistrés, ainsi que d’un Office National chargé de l’exécution des mesures décidées en leur faveur du 21 février 1978 ;

VU Le Décret n°2001-0101/PR/MI du 28 mai 2001 modifiant le Décret n°77-054/PR/AE portant  création de la Commission Nationale d’Eligibilité au statut de réfugié ;

VU L’Ordonnance n°77-053/PR/AE portant statut des réfugiés sur le sol de la République de Djibouti du 9 novembre 1977 ;

VU La Lettre du Ministère des Affaires Etrangères en date du 20 août 1977 constituant les notifications de succession du Gouvernement de la République de Djibouti à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et de son protocole du  31 janvier 1967 ;

VU Le Décret n°2016-109/PRE du 11 mai 2016 portant nomination du Premier Ministre ;

VU Le Décret n°2016-110/PRE du 12 mai 2016 portant nomination des membres du Gouvernement ;

VU Le Décret n°2016-148/PRE du 16 juin 2016 fixant les attributions des Ministères;

VU La Circulaire n°407/PAN du 20/12/2016 portant convocation de la quatrième  séance publique de la 2ème Session Ordinaire de l’an 2016 ;

 

Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 06 Septembre 2016.

CHAPITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

 

 

Article 1er : Champ d’application  

La présente loi s’applique dans les situations des réfugiés et des demandeurs d’asile en République de Djibouti.

Article 2 : Définition du terme de demandeur d’asile

Aux termes de la présente loi, le terme de demandeur d’asile ou demandeur de statut de réfugié s’entend de la personne qui quitte le pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle pour solliciter le statut de réfugié en République de Djibouti et qui est dans l’attente d’une décision des autorités compétentes relative à sa demande.

 

Article 3 : Définition du terme de réfugié

Aux termes de la présente loi et conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au Statut des Réfugiés et de son Protocole du 31 janvier 1967 et à la Convention de l’OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique, le terme de réfugié s’appliquera à  toute personne :

a. qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ;

b. qui, du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’un évènement troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l’extérieur de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité.

 

Article 4 : Cas d’exclusion au statut de réfugié

 Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables à toute personne au sujet de laquelle il y a des raisons sérieuses de penser :

a. qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux y relatifs ;

b.    qu’elle a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admise comme réfugiée ;

c.    qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ou de l’UA.

 

Article 5 : Cas de cessation du statut de réfugié

1. Le statut de réfugié reconnu à une personne, conformément à la présente loi, prend fin dans les cas ci-après :

a. si elle s’est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou

b. si, ayant perdu sa nationalité, elle l’a volontairement recouvrée; ou

c. si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou

d. si elle y a librement renoncé ;

e. si elle est retournée volontairement s’établir dans le pays qu’elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d’être persécutée ; ou

f. si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ou si elle est sans nationalité, du pays où elle avait sa résidence habituelle ; ou

g. s’agissant d’une personne qui n’a pas de nationalité, si les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ayant cessé d’exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle.

 

La décision de cessation du statut de réfugié du chef de famille ne saurait affecter automatiquement les autres membres de la famille tels que définis à l’alinéa 3 de l’article 8. En outre, elle est sans préjudice du droit de ces derniers de déposer une demande indépendante de statut de réfugié.

 

Article 6 : Décision d’annulation du statut de réfugié

1. La décision d’annulation du statut de réfugié est prononcée si, après la reconnaissance dudit statut, des éléments graves et concordants ont été portés à l’attention des autorités compétentes indiquant que le statut de réfugié a été reconnu sur la base d’informations erronées ou fausses ; ou lorsque le réfugié commet l’un des actes énoncés à l’article 4 de la présente loi.

2. La décision d’annulation du statut de réfugié du chef de famille entraine également l’annulation du statut des membres de la famille.

3. La décision d’annulation n’empêchera pas l’intéressé d’introduire une nouvelle demande de statut de réfugié en cas d’apparition de faits nouveaux.

4. La décision d’annulation de statut de réfugié du chef de famille est sans préjudice du droit des membres de la famille de déposer une demande indépendante de statut de refugié.

5. Le réfugié concerné est préalablement entendu et informé de la procédure et de la possibilité de faire un recours.

 

Article 7 : Décision de retrait du statut de réfugié

1. La décision de retrait du statut de réfugié est prononcée lorsque le réfugié :

a. porte atteinte à la sécurité nationale,

b. commet une atteinte d’une manière particulièrement grave à l’ordre public.

2. La décision de retrait du statut de réfugié n’entraine pas la fin du statut dérivé des membres de la famille de la personne concernée.

3. Le retrait fait obstacle à l’introduction d’une nouvelle demande de statut de réfugié de la part de l’intéressé.

4. Le réfugié concerné est préalablement entendu et informé de la procédure et de la possibilité de faire un recours.

 

Article 8 : Conditions d’octroi du statut de réfugié aux membres de la famille

1.   Les membres de la famille d’une personne reconnue comme réfugiée au sens de l’article 3 ci-dessus qui l’accompagnent ou le rejoignent sont également considérés comme réfugiés, sauf s’ils sont d’une nationalité autre que celle du réfugié et jouissent de la protection du pays dont ils sont ressortissants.

 2.   Si, une fois que la qualité de réfugié a été reconnue au chef de famille, la cohésion familiale est rompue par suite d’un divorce, d’une séparation ou d’un décès, les membres de sa famille auxquels le statut de réfugié a été accordé en application de l’alinéa 1 ci-dessus continuent à en jouir, sous réserve des cas de fraude évoqués à  l’article 6, alinéa 1.

3.   Aux fins des dispositions des alinéas 1 et 2 ci-dessus, sont considérés comme membres de la famille d’une personne reconnue comme réfugiée, le conjoint réfugié, les enfants âgés de moins de dix-huit ans à sa charge.

 

Article 9 : Cas d’enfant mineur non-accompagné

1. Tout enfant mineur non accompagné, sous réserve des vérifications nécessaires, bénéficie du statut de réfugié.

2. La République de Djibouti, avec l’appui des institutions internationales, apporte son concours au rétablissement du regroupement familial.

 

Article 10 : Non-discrimination

La présente loi s’applique à tout réfugié et demandeur d’asile sans discrimination quant au genre, à la race, à la religion, ou à la nationalité.

 

 

CHAPITRE II

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX DEMANDEURS

D’ASILE

 

 

Article 11 : Non-refoulement du demandeur d’asile

1. Aucune personne ne peut être refoulée à la frontière, ni faire l’objet d’une mesure quelconque qui la contraindrait à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient menacées pour l’une des raisons mentionnées à l’article 3 de la présente loi.

2. Tout demandeur d’asile doit se présenter aux autorités compétentes dans un délai de trente (30) jours, à compter du moment du son entrée sur le territoire national, pour présenter sa requête.

3. L’autorité ainsi saisie établit un procès-verbal détaillé indiquant les informations personnelles du requérant, les raisons de sa demande d’asile et toutes les informations utiles pour l’instruction de son dossier.

4. Une attestation de demandeur d’asile est délivrée au requérant par l’autorité compétente l’ayant entendu qui transmet dans les meilleurs délais le dossier à la Commission Nationale d’Eligibilité visée à l’article 19 ci-dessous.

5. Sans préjudice des dispositions de l’alinéa 2 ci-dessus, tout ressortissant étranger se trouvant sur le territoire de la République de Djibouti et qui ne peut retourner dans son pays d’origine ou dans le pays dans lequel il a sa résidence habituelle, pour les raisons indiquées à l’article 3 de la présente loi est en droit d’introduire une demande d’asile qui sera examinée conformément aux procédures fixées par le décret d’application de la présente loi.

6. Toute personne ayant déposé une demande d’asile en République de Djibouti est autorisée à y séjourner jusqu’à la fin de la procédure.

 

Article 12 : Mesures de protection du demandeur d’asile

1. Aucune sanction pénale ne s’appliquera à l’encontre d’une personne qui, du fait de son entrée ou de son séjour irréguliers sur le territoire national, arrive directement du territoire où sa vie ou sa liberté seraient menacées au sens de l’article 3 de la présente loi, sous réserve qu’elle se présente sans délai aux autorités compétentes visées à l’article 19.

 

 

2. Aucune mesure de reconduite à la frontière contre un demandeur d’asile ne peut être mise en exécution avant que la Commission Nationale d’Eligibilité au statut de réfugié ne se prononce sur sa demande, sauf si ces mesures sont dictées par des raisons de sécurité nationale, d’ordre public ou en exécution d’une décision rendue conformément à la loi ; en tout cas ces mesures d’expulsion ou de reconduite à la frontière ne pourraient avoir pour effet de contraindre un demandeur d’asile à retourner ou demeurer dans un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée au sens de l’article 3 de la présente loi.

 

Article 13 : Conditions de circulation du demandeur d’asile

 Les déplacements du demandeur d’asile, qui est détenteur d’une attestation indiquant qu’il a déposé son dossier, sont soumis à restriction tant que son statut n’a pas été déterminé ou qu’il n’a pas été admis dans un autre pays. Il est tenu d’informer les autorités compétentes de ses déplacements et de se présenter à elles en cas de besoin.

 

 

CHAPITRE III

DROITS ET OBLIGATIONS DES REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE

 

 

Article 14 : Droits fondamentaux

1. Sans préjudice des dispositions des chapitres I et II ci-dessus, tous les droits fondamentaux et les dispositions énoncées aux chapitres II, III, IV et V de la Convention de Genève relative aux réfugiés du 28 juillet 1951 et celle de l’OUA du 10 septembre 1969 relative aux réfugiés s’appliquent à tout réfugié et demandeur d’asile résidant régulièrement sur le territoire de la République de Djibouti et dans les limites des droits accordés aux nationaux. Il s’agit notamment du droit :

– à la non-discrimination ;

– à la liberté de circulation ;

– aux documents d’état civil ;

– aux documents d’identité et de voyage ;

– à l’éducation ;

– au travail ;

– d’ester en justice ;

– à la propriété ;

– de pratiquer sa religion ;

– à la liberté d’association ;

– à l’assistance sociale et publique ;

– à la naturalisation.

2. Les modalités d’exercice des droits fondamentaux des réfugiés et demandeurs d’asile prévus à l’alinéa 1 ci-dessus sont réglementées par le Décret d’application de la présente loi.

 

Article 15 : Respect des lois et règlements du pays

Tout réfugié et demandeur d’asile est tenu de se conformer aux lois et règlements en vigueur au même titre que les nationaux.

 

Article 16 : Interdiction des activités subversives

Toute personne qui bénéficie du statut de réfugié s’engage à ne mener à partir du territoire national, aucune activité déstabilisatrice contre la République de Djibouti, contre son pays d’origine ou contre tout autre Etat.

 

Article 17 : Mesures de protection

Aucun réfugié et demandeur d’asile ne peut être extradé, expulsé ou refoulé, de quelque manière que ce soit, sur les frontières d’un territoire visé à l’article 3 ci-dessus

 

Article 18 : Conditions d’expulsion

1. Un réfugié se trouvant régulièrement sur le territoire de la République de Djibouti ne pourra être expulsé que pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public.

2. L’expulsion d’un réfugié n’a lieu qu’en exécution d’une décision rendue conformément à la procédure prévue par la loi.

3. La décision d’expulsion est signifiée au réfugié ainsi qu’au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés qui se charge d’apporter son concours à l’intéressé pour trouver un pays d’asile dans un délai raisonnable.

4. L’expulsion entraine de plein droit le retrait du statut de réfugié.

 

 

CHAPITRE IV

ORGANES COMPETENTS EN MATIERE D’ELIGIBILITE ET DE GESTION DES REFUGIES

 

 

Article 19 : Organes compétents

1. Le Ministère de l’Intérieur est l’intervenant national pour les étrangers en général et pour les réfugiés en particulier.

2. Les organes institués pour l’éligibilité au statut de réfugié et la gestion des questions relatives aux réfugiés et demandeurs d’asile sont :

a. l’Office National d’Assistance aux Réfugiés et Sinistrés (en sigle ONARS) qui est chargé d’assurer le suivi quotidien de toutes les affaires concernant les réfugiés et demandeurs d’asile et d’assister le Secrétariat de la Commission Nationale d’Eligibilité au statut de réfugié (en sigle CNE) ;

b. la CNE qui est chargée de décider sur l’octroi, la cessation, l’annulation et le retrait du statut de réfugié ; et

c. la Commission Nationale de Recours au statut de réfugié (en sigle CNR) qui est chargée d’examiner et de se prononcer sur les recours contre les décisions de rejet au statut de réfugié prises en première instance par la CNE.

3. Le fonctionnement des organes ci-dessus est réglé par le Décret d’application de la présente loi à l’exception de l’ONARS.

 

Article 20 : Recours contre les décisions de la CNR

Les décisions de la CNR sont susceptibles d’un recours devant la Tribunal Administratif.

 

 

CHAPITRE V

DISPOSITIONS FINALES ET EXECUTOIRES

 

 

Article 21 : La République de Djibouti s’engage à coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés ou toute autre institution des Nations Unies qui lui succèderait, dans l’exercice de ses fonctions et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l’application des dispositions de la Convention de Genève, de son Protocole additionnel et de la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

 

 

Article 22 : Toutes les dispositions antérieures contraires à la présente loi sont abrogées.

 

Article 23 : La présente loi entrera en vigueur dès sa publication.

Le Président de la République,

chef du Gouvernement

ISMAÏL OMAR GUELLEH