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Décret n° 46-2438 por tant règlement d’administration publique pour l’application des articles 10 et 11 de la loi n* 46-729 portant amnistie (16 avril 1946).
- Mesure: Générale
- Date de Publication:
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, CHEF DU GOUVERNEMENT
Le Président du Gouvernement provisoire de la République française,
Sur le rapport du Vice-Président du Conseil, chargé de la réforme administrative, et du Ministre des finances;
Vu la loi n° 46-729 du 10 avril 1946 portant amnistie, et notamment ses articles 10 et 11 ainsi conçus :
DECRETE
« Art. 10. — Les personnels de l’Etat, des collectivités publiques, des services concédés ou assimilés, révoqués, licenciés, relevés de leurs fonctions ou. plus généralement, frappés d’une peine disciplinaire pour des motifs politiques ou des faits de grève, par application notamment des dispositions des décrets-lois des 20 septembre 1939 et 9 avril 1940 et de tous les textes complémentaires, pourront de mander la révision de la mesure prise à leur égard et le rétablissement de leur situation administrative. « Un décret en forme de règlement d’admi nistration publique fixera notamment les con ditions dans lesquelles les mesures de répara tion prévues par l’ordonnance du 29 novem bre 1944 seront appliquées aux personnels visés au présent article.
« Art. 11. — Le bénéfice des articles 9 et 10 sera refusé si. entre la date à laquelle a été prononcée la sanction et celle de la demande de révision, l’intéressé s’est rendu coupable d’un fait entachant l’honneur ou la probité et ayant entraîné une condamnation judiciaire. « Il pourra l’être également si l’intéressé a par ses actes, ses écrits, ou son attitude personnelle depuis le 16 juin 1940 : «
1° Soit favorisé des entreprises de toute nature de l’ennemi; «
2° Soit contrarié l’effort de guerre de la France et de ses alliés; «
3° Soit porté atteinte aux institutions constitutionnelles ou aux libertés publiques fondamentales ; «
4° Soit sciemment tiré ou essayé de tirer un bénéfice matériel direct de l’application des règlements de l’autorité de fait contraires aux lois en vigueur le 16 juin 1940 » ;
Le Conseil d’Etat entendu, Décrète :
Art. 1er. — Les fonctionnaires, les agents contractuels ou temporaires, les employés auxiliaires des services ou établissements pu blics de l’Etat, des départements, des com munes, de l’Algérie et des départements de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française ainsi que des ser vices concédés relevant de ces collectivités, les gens de tous les organismes recevant une sub vention ou une garantie de l’Etat peuvent, lorsqu’ils ont été révoqués, licenciés, relevés de leurs fonctions ou, plus généralement, frappés d’une peine disciplinaire pour des mo tifs politiques où des faits de grève, demander la révision des mesures dont ils ont été l’ob jet postérieurement au 1 er novembre 1938 et par application notamment du décret du 24 juin 1939 concernant la répression de la distribution et de la circulation, des tracts de provenance étrangère, du décret du 1 er sep tembre 1939 réprimant la publication d’informations de nature à exercer une influence fâcheuse sur l’esprit de l’armée et des popu lations, du décret abrogé du 26 septembre 1939 portant dissolution des organisations communistes, de l’acte dit loi du 14 août 1941 réprimant l’activité communiste ou anar chiste. Le même droit leur est ouvert lorsqu’ils en trent dans les catégories mentionnées à l’ar ticle 5 de la loi du 16 avril 1946 portant amnistie. Les ayants cause des personnes visées aux deux alinéas précédents peuvent demander, dans les mêmes conditions, la révision des mesures prises à l’égard de leurs auteurs.
Art. 2. — (Ne peuvent se prévaloir des dis positions du présent règlement ceux des in téressés qui se trouvent visés au premier ali néa de l’article 11 de la loi du 16 avril 1946 susvisée. Sont également exclus de ces dispositions ceux dont la situation aura été examinée au fond par application des ordonnances des 29 novembre 1944 et 26 avril 1945 relatives à la réintégration des fonctionnaires et agents victimes des lois d’exception de l’autorité de fait se disant gouvernement de l’Etat fran çais et du décret du 16 février 1946, modifié par le décret du 23 août 1946, portant règlement d’administration publique pour l’application de l’ordonnance du 19 octobre 1945 relative à la révision des peines disciplinaires prononcées dans les conditions fixées par les dispositions des articles 1er et 2 du décret du 1S novembre 1939.
Art. 3. — Les intéressés adresseront par la voie hiérarchique leur demande de révision à l’autorité à laquelle il appartiendrait de pren dre la mesure dont ils ont été l’objet. Cette demande devra être présentée dans un délai de trois mois à compter de la publication du présent décret, même dans le cas où une de mande analogue aurait déjà été présentée. Pour les personnes visées à l’article 5 de la loi du 16 avril 1946 portant amnistie, ce délai de trois mois sera calculé à compter de la publication du décret prévu audit article 5. si cette publication n’intervient qu’après celle du présent règlement. Il sera accusé réception, dans un délai de quinze jours, des demandes présentées en vertu des alinéas 1 er et 2 ci-dessus.
Art. 4. — Dans chacun des services inté ressés. le conseil de discipline, la commission disciplinaire ou l’organisme consultatif dont l’avis en matière de décisions disciplinaires est requis en vertu des textes législatifs et réglementaires ou des conventions en vigueur, sera saisi de toutes les demandes quelles que soient la nature et l‘importance de la sanction dont la révision est demandée. Le conseil de discipline, la commission dis ciplinaire ou l’organisme consultatif compé tent se prononcent après que l’intéressé a été mis à même de prendre connaissance de son dossier dans la forme prévue par les textes législatifs et réglementaires ou les conven tions en vigueur avant l’intervention du dé cret du 18 novembre 1939 précité. Ils formulent une proposition motivée ten dant au maintien, à la modification ou à la suppression de la sanction. La décision est prise sur le vu de la proposition ainsi énoncée par l’autorité ayant compétence à cet effet. Les fonctionnaires et chefs de service qui avaient proposé ou prononcé les sanctions dis ciplinaires soumises à révision ne sont pas appelés à siéger. ni en qualité de représentantis de l’administration ni en qualité de représentants du personnel, dans le conseil de discipline, la commission disciplinaire ou l’or ganisme consultatif saisi de la demande de révision. (Si le chef de service qui avait prononcé la sanction est appelé à décider de la révision, la décision est, dans ce cas, déférée de droit au supérieur hiérarchique immédiat qui se pro nonce suivant la procédure prévue ci-dessus.
Art. 5. — Au cas où la sanction serait sup primée ou modifiée, la situation administra tive des intéressés sera rétablie à compter de la date à laquelle ladite sanction a été pro noncée. Pour les fonctionnaires ou agents réintégrés en application du présent décret, la période de congédiement sera décomptée comme temps de service effectif, notamment en ce qui con cerne les propositions pour l’avancement de classe et de grade ou les distinctions honorifiques et le droit à la retraite. En ce qui con cerne les fonctionnaires en service dans les colonies à la date de la sanction, la période de congédiement est décomptée comme temps
de service effectif aux colonies pour toute la période où ils y ont. en fait, séjourné.
Art. 6. — Pour les fonctionnaires ou agents dont l’avancement n’est accordé qu’au choix, le classement ou reclassement sera opéré en prenant comme base d’appréciation la moyenne des avancements obtenus par les fonctionnaires ou agents qui, à la date où la sanction a été prononcée, étaient titulaires du même grade, appartenaient à la même classe ou au même échelon et possédaient la même ancienneté que l’intéressé.
Art. 7. — Les mesures prises en vertu des articles 5 et 6 ci dessus entraînent :
a) Pour les fonctionnaires et agents bénéficiant rétroactivement d’un avancement de classe, grade ou échelon, le droit aux traitements, soldes et indemnités, à compter de la date à laquelle la promotion prend effet :
b) Pour les fonctionnaires et agents réin tégrés. le droit aux traitements, soldes et in demnités. à compter de la date à laquelle a pris effet la sanction revisée.
Toutefois, les indemnités prévues aux deux alinéas ci-dessus ne comprennent pas celles qui, ayant le caractère d’un supplément de traitement, échappent à ce titre à la percep tion de l’impôt sur les traitements et salaires. Les sommes versées à titre de rappel aux bénéficiaires du présent article sont diminuées, le cas échéant :
a) Du montant des sommes, pensions civiles ou retraites, pécules, rémunérations ou indem nités publiques ou privées ainsi que tous les autres revenus professionnels perçus ou acquis ù un titre quelconque pendant la période d’application de la sanction révisée:
b) Du montant des retenues pour la retraite afférentes à la même période :
c) Du montant des indemnités de licenciement éventuellement perçues. Toutefois, dans le cas où le montant de la réduction à opérer par application des dispo sitions précédentes dépasserait le montant du rappel, aucun remboursement ne sera exigé des intéressés. L’administration est en droit d’exiger. pour la détermination des sommes perçues pendant la période d’application de la sanction revi sée et, en particulier, en ce qui concerne le montant des rémunérations privées, une décla ration sur l’honneur. Dans le cas où par la suite cette déclaration s’avérerait inexacte les sommes indûment perçues devront être resti tuées.
En outre, s’il y a eu déclaration sciem ment inexacte ou fausse, l’intéressé perdra le bénéfice administratif et financier de la révi sion et devra restituer les sommes perçues de mauvaise foi, le tout sans préjudice des poursuites pénales.
Les intéressés seront replacés, en ce qui concerne l’impôt général sur le revenu et l’im. pôt cédulaire sur les traitements et salaires, dans la même situation que s’ils avaient perçu leurs traitements, soldes et indemnités aux échéances respectives de ceux-ci pendant la période d’application de la sanction révisée.
Art. 8. — Le bénéfice des dispositions des articles 5. 6 et 7, précédents pourra être refusé en tout ou en partie aux fonctionnaires et agents visés au deuxième alinéa de l’article 11 de la loi du 16 avril 1946 susvisé.
Art. 9. — Les sommes dues en application de l’article 7 ci-dessus feront l’objet de quatre versements semestriels.
Le premier de ces versements sera opéré dans le mois qui suivra la décision portant rétablissement de la situation administrative de l’intéressé. Les trois autres ne seront opérés que si, à la date de l’échéance, l’intéressé ou bien sert à un titre quelconque dans un cadre de l’Etat, des départements, communes. colonies, terri toires d’outre-mer, services concédés ou organismes recevant une subvention on une gar antie de l’Etat, ou bien se trouve dans l’impossibilité, pour des raisons d’âge ou d’ine apacité physique, de service dans un des cadres.
Art. 10. — Le Ministre chargé de la réforme administrative, le Garde des sceaux, Ministre «le la justice, le Ministre des affaires étrangères, le Ministre de l’intérieur, le Ministre des armées, le Ministre de l’armemnt le Minis tre de l’économie nationale et des finances, le Ministre de l‘agriculture, le Ministre de la production industrielle, le Ministre de l’éducation nationale, le Ministre des travaux publics et des transports, le Ministre des postes, télégraphes et téléphones, le Ministre de la France d‘outre-mer, le Ministre du travail et de la sécurité sociale, le Ministre de la santé publique, le Ministre de la population,
Ministre de la reconstruction et de l’urbanisme, le Ministre des anciens combattants et v’ctl mes de la guerre, le Ministre du ravitaillement et le Secrétaire à l’information soit chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
GEORGES BIDAULT.
Par le Président du Gouvernement provi soire de la République, Ministre des affaires étrangères :
Le Vice-président du Conseil, ch arué de la réforme administrative, Maurice TITOREZ.
Le Garde dm sceaux.
Ministre de la justice, Pierre-Henri TEITGEN.
Le Ministre d’Etat.
Alexandre VARENNE.
Le Ministre de l’intérieur, Edouard DEPREUX.
Le Garde des sceaux.
Ministre de la justice, Ministre des armées par intérim.
Pierre Henri TEITGEN.
Le Ministre de l’armement, Charles TILLON.
Le Ministre des finances, SCHUMAN.
Le Ministre de l’économie nationale, François de MENTHON.
Le Ministre de l’intérieur. Ministre de l’auriculture par intérim.
Edouard DEPREUX.
Le Ministre du travail et de la sécu rité sociale, Ministre de la produc tion industrielle par intérim.
A. CROIZAT.
Le Ministre de l’éducation nationale,
M. E. NAEGELEN.
Le Ministre du trarail et de la sécurité sociale, A. CROIZAT.
Le Ministre des traraux publics et des transports, Jules MOCH.
Le Ministre de la France d’outre-mer, Marius MOUTET.
Le Ministre des postes, teléu/raplies et téléphones, J.
Letourneau.
Le Ministre de la reconstruction, et de l’urbanisme, François BILLOUX.
Le Ministre de la santé publique, René ARTHAUD.