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Loi n° 207/AN/17/7ème L relative à la promotion et à la protection des droits des personnes à besoins spéciaux.

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE
LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

VU La Constitution du 15 septembre 1992 ;

VU La Loi Constitutionnelle n°92/AN/10/6ème L du 21 avril 2010 portant révision de la Constitution ;

VU La Loi n°67/AN/09/6ème L relative à la ratification de la Convention relative aux Droits des personnes handicapées ;

VU Le Code Pénal ;

VU La Loi n°69/AN/09/6ème L relative à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux Droits des personnes handicapées ;

VU La Loi n°133/AN/05/5ème L du 28 janvier 2006 portant Code du Travail en ces articles 117 à 120 ;

VU La Loi n°174/AN/07/5ème L du 22 avril 2007 portant mesures protectrices adaptées à la situation des personnes vivant avec le VIH/Sida et des groupes vulnérables;

VU La Loi n°48/AN/99/4ème L du 03 juillet 1999 portant orientation de la politique de santé ;

VU La Loi n°211/AN/07/5ème L du 24 novembre 2007 portant création de l’Agence Djiboutienne de Développement Social (ADDS) ;

VU La Loi n°162/AN/16/7ème L du 05 janvier 2017 portant réorganisation du Secrétariat d’Etat chargé des Affaires Sociales ;

VU La Loi n°24/AN/14/7ème L du 05 février 2014 portant mise en place d’un système d’assurance maladie universelle ;

VU La Loi n°170/AN/12/6ème L du 01 août 2012 portant création d’un Fonds de Solidarité Nationale ;

VU Le Décret n°2008-0026/PRE du 20 janvier 2008 portant statut particulier de l’Agence Djiboutienne de Développement Social ;

VU Le Décret n°2012-231/PR/SESN du 17 octobre 2012 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Fond de Solidarité Nationale ;

VU Le Décret n°2012-219/PR/SESN du 03 octobre 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la commission Nationale de Micro finance (CNMF) ;

VU Le Décret n°2014-327/PRE du 04 décembre 2014 portant modification du décret n°2012-231/PR/SESN fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Fonds de Solidarité Nationale ;

VU Le Décret n°2016-109/PRE du 11 mai 2016 portant nomination du Premier Ministre ;

VU Le Décret n°2016-110/PRE du 12 mai 2016 portant nomination des membres du Gouvernement ;

VU Le Décret n°2016-148/PRE du 16 juin 2016 fixant les attributions des Ministères;

VU La Circulaire n°20/PAN du 14/01/2018 portant convocation de la 6ème Séance publique de la 2ème Session Ordinaire de 2017/2018 ;

 

Le Conseil des Ministres entendu en sa séance du 03 Octobre 2017.

 

CHAPITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 1 : La présente loi a pour objet de garantir et de renforcer les droits et libertés fondamentaux des personnes à besoins spéciaux en donnant une définition juridique de cette catégorie des personnes.

 

Article 2 : Est considérée personne à besoins spéciaux au sens de la présente loi, toute personne dans l’incapacité d’accomplir totalement ou partiellement une ou plusieurs activités de la vie courante, consécutive à une atteinte permanente ou occasionnelle de ses fonctions sensorielles, mentales ou motrices d’origine congénitale ou acquise.

 

Article 3 : La personne à besoins spéciaux a droit à la vie et à son épanouissement à l’image de toute autre personne.

 

Article 4 : Conformément à la Constitution, l’Etat Djiboutien interdit toute discrimination fondée sur la déficience et garantit aux personnes à besoins spéciaux, une égale et effective protection juridique contre toute forme de discrimination.

Article 5 : Sont considérés comme discriminatoires, tous les dispositions ou actes qui ont pour conséquence, l’exclusion ou peuvent causer la réduction des chances ou un préjudice aux personnes à besoins spéciaux. Sont considérées comme non discriminatoires, les mesures spécifiques qui visent à garantir l’égalité effective des chances et de traitement entre les personnes à besoins spéciaux et les autres personnes.

 

CHAPITRE II

LA PREVENTION DU HANDICAP

 

Article 6 : La prévention du handicap s’effectue au moyen d’actions de dépistage et de programmes de prévention médicale et de campagnes d’information et de sensibilisation en direction du citoyen sur les facteurs générant ou aggravant le handicap.

 

Article 7 : L’état prend des mesures appropriées pour prévenir les handicaps de toute nature. Il met en œuvre une stratégie nationale visant la prévention du handicap, la limitation de ses répercussions et effets. Il encourage les études et les recherches sur le handicap et ses causes et fixe les programmes et mécanismes susceptibles de réduire sa propagation.

 

CHAPITRE III

DE L’EDUCATION ET DE LA FORMATION

PROFESSIONNELLE DES PERSONNES

A BESOINS SPECIAUX

 

Article 8 : Les personnes à besoins spéciaux ont droit à l’éducation, à la rééducation et à la formation professionnelle appropriée, soit dans les écoles publiques, soit dans les institutions spécialisées créées par l’Etat.

 

Une priorité d’inscription en milieu ordinaire (du préscolaire au secondaire) le plus proche de son domicile est accordée aux enfants à besoin spéciaux (en tenant compte de la carte scolaire).

 

Article 9 : Les personnes à besoins spéciaux bénéficient, au sein du système d’enseignement général, de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective.

 

Article 10 : Les personnes à besoins spéciaux devront avoir accès aux écoles, instituts et centres de formation spécialisés de leur choix au même titre que les personnes valides. Toutefois, lorsque la nature et le degré du handicap l’exigent, l’enseignement et la formation professionnelle des personnes à besoins spéciaux sont dispensés dans des établissements spécialisés.

 

Article 11 : L’Etat détermine les programmes de scolarisation, d’éducation et de formation professionnelle des personnes à besoins spéciaux ainsi que les procédures et formes d’examens adaptés à chaque élève ou étudiant à besoins spéciaux.

 

Article 12 : L’Etat veille à apporter son assistance et l’accompagnement nécessaire aux personnes à besoins spéciaux notamment ; facilite l’apprentissage des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative, le développement des capacités d’orientation et de la mobilité (braille, langage des signes).

 

Article 13 : L’Etat prend des mesures appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants à besoins spéciaux, qui ont une qualification en langue des signes ou en braille et pour former les cadres et personnels à tous les niveaux. Cette formation comprend la sensibilisation aux handicaps et l’utilisation des modes, moyens et formes de communication améliorée et alternative ainsi que des techniques et matériels pédagogiques adaptés aux personnes à besoins spéciaux.

 

CHAPITRE IV

DE L’EMPLOI DES PERSONNES

A BESOINS SPECIAUX

 

Article 14 : Les personnes à besoins spéciaux jouissent de l’égalité d’accès aux fonctions publiques et aux emplois privés comme tout autre citoyen.

 

Article 15 : Les personnes à besoins spéciaux ont droit, sur la base de l’égalité avec les autres, à des conditions de travail justes et favorables, y compris l’égalité des chances et l’égalité de rémunération à travail égal, la sécurité et l’hygiène sur les lieux de travail, la protection contre l’harcèlement et des procédures de règlement des litiges.

 

Article 16 : L’Etat interdit la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d’embauche et d’emploi, le maintien dans l’emploi, l’avancement et les conditions de sécurité et d’hygiène au travail. Il encourage le recrutement des personnes à besoins spéciaux lors des concours et des offres d’emplois à travers un pourcentage qui sera fixé par voie réglementaire.

 

Article 17 : L’Etat doit faciliter l’exercice par les personnes à besoins spéciaux de leurs droits professionnels et syndicaux sur la base de l’égalité avec les autres. Au même titre, l’Etat doit garantir le maintien à l’emploi de la personne handicapée, suite un à accident, ou dans le cas échéant, un poste adapté.

 

Article 18 : L’Etat doit promouvoir chez les personnes à besoins spéciaux les possibilités d’exercer une activité indépendante, la création d’entreprises et des coopératives.

 

CHAPITRE V

DE L’INTEGRATION SOCIO-ECONOMIQUE ET POLITIQUE DES PERSONNES A BESOINS SPECIAUX

 

Article 19 : Les personnes à besoins spéciaux ont le droit de participer à la vie politique et publique. L’Etat veille à ce que les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser par les personnes à besoins spéciaux.

 

Article 20 : L’Etat et les personnes morales, publiques ou privées prennent les dispositions pour :

– assurer la participation de personnes à besoins spéciaux aux activités socio-économiques, culturelles et sportives ;

– donner aux personnes à besoins spéciaux la possibilité de développer et de réaliser leur potentiel créatif, artistique et intellectuel, non seulement dans leur propre intérêt mais aussi pour l’enrichissement de la société ;

– faciliter la vie des personnes à besoins spéciaux en rendant accessibles les véhicules et transports collectifs.

 

Article 21 : La voirie, les locaux d’habitation, les infrastructures et équipements ouverts au public sont conçus ou aménagés de manière à les rendre accessibles aux personnes à besoins spéciaux.

 

Article 22 : L’Etat renforce, sur la base de l’égalité avec les autres, leur droit de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès dans les mêmes conditions que les autres personnes aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier afin d’assurer leur autonomie.

Article 23 : L’Etat veille à ce que les personnes à besoins spéciaux ne soient pas arbitrairement privées de leurs biens. Elles bénéficient dans les conditions plus assouplies de crédits à l’investissement.

 

CHAPITRE VI

DE LA PROTECTION SOCIALE ET DE L’AIDE AUX PERSONNES A BESOINS SPECIAUX

 

Section I : De la protection sociale des personnes à besoins spéciaux

 

Article 24 : Les personnes à besoins spéciaux ont droit à la protection sociale et à la jouissance de ce droit sans discrimination fondée sur le handicap.

 

Article 25 : L’Etat prend des mesures appropriées pour protéger et promouvoir l’exercice de ce droit, y compris des mesures destinées à :

– Assurer aux personnes à besoins spéciaux l’égalité d’accès aux services publics, appareils et accessoires et autres aides répondant aux besoins créés par leur déficience qui soient appropriés et abordables et ce en fonction des disponibilités ;

– Assurer aux personnes à besoins spéciaux, en particulier aux femmes, aux tilles et aux personnes âgées, l’accès aux programmes de protection sociale et aux programmes de réduction de la pauvreté ;

– Assurer aux personnes à besoins spéciaux et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés à l’handicap ;

– Assurer aux personnes à besoins spéciaux l’accès aux programmes de logements sociaux.

 

Section II : Des aides aux personnes à besoins spéciaux

 

Article 26 : Le Réseau National des Personnes Handicapées et les associations affiliées peuvent bénéficier d’aides collectives et/ou individuelles de la part de l’Etat, des collectivités publiques ou d’autres institutions publiques ou privées.

 

Article 27 : L’Etat favorise l’offre, la connaissance et l’utilisation d’appareils et de technologies d’aide, conçus pour les personnes à besoins spéciaux, qui facilitent l’adaptation et la réadaptation.

 

Article 28 : Les personnes à besoins spéciaux doivent bénéficier des programmes nationaux de protection sociale (couverture d’assurance maladie, transfert monétaire).

 

Article 29 : L’assistance médicale est accordée aux personnes à besoins spéciaux indigentes, reconnues comme telles. Elle comporte notamment la prise en charge partielle ou totale des consultations, des examens, des soins médicaux, d’hospitalisation, de rééducation fonctionnelle et des évacuations sanitaires conformément à la règlementation en vigueur.

 

L’assistance médicale couvre également les services de santé dont les personnes à besoins spéciaux ont besoin en raison spécifiquement de leur déficience, y compris des services de dépistage précoce. Elle couvre l’intervention précoce, et des services destinés à réduire au maximum ou à prévenir les nouveaux handicaps, notamment chez les enfants et les personnes âgées.

 

Article 30 : L’Etat fournit ces services aux personnes à besoins spéciaux aussi près que possible de leur communauté, y compris en milieu rural et exige des professionnels de la santé qu’ils dispensent aux personnes à besoins spéciaux des soins de la même qualité que ceux dispensés aux autres, notamment qu’ils obtiennent le consentement libre et éclairé des personnes à besoins spéciaux concernées.

 

L’Etat mène des activités de formation et promulgue des règles déontologiques pour les secteurs publie et privé de la santé de façon, à sensibiliser les personnels aux droits de l’homme, à la dignité, à l’autonomie et aux besoins des personnes à besoins spéciaux.

 

Article 31 : Les personnes à besoins spéciaux sans famille ou abandonnées n’ayant pas d’autonomie personnelle et dépourvues de ressources suffisantes, doivent bénéficier d’un placement dans un centre ou dans un foyer qui sera crées à cet effet.

 

En effet, des centres et foyers destinés à accueillir les personnes à besoins spéciaux seront mises en place. Les attributions du centre seront définies par voie réglementaire.

 

Article 32 : L’État assure l’accès effectif des personnes à besoins spéciaux à la justice, sur la base de l’égalité avec les autres y compris par le biais d’aménagements procéduraux et d’aménagements en fonction de l’âge, afin de faciliter leur participation effective, directe ou indirecte, notamment en tant que témoins, à toutes les procédures judiciaires, y compris au stade de l’enquête et aux autres stades préliminaires.

 

L’Etat prend des mesures appropriées pour donner aux personnes à besoins spéciaux l’accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique.

 

CHAPITRE VII

DE LA COMMUNICATION, DE L’INFORMATION ET DE LA LIBERTE D’EXPRESSION ET D’OPINION

 

Article 33 : Les personnes à besoins spéciaux ont droit à l’information et à la communication y compris aux systèmes et technologies de l’information et de la communication.

 

Article 34 : Un temps d’antenne leur est accordé à titre gratuit par les médias d’Etat pour informer et sensibiliser l’opinion publique sur :

– La situation des personnes à besoins spéciaux et promouvoir le respect des droits et de la dignité des personnes à besoins spéciaux ;

– L’abandon des stéréotypes, les préjugés et les pratiques dangereuses concernant les personnes à besoins spéciaux, y compris ceux liés au sexe et à l’âge dans tous les domaines ;

– La connaissance des capacités et les contributions des personnes à besoins spéciaux.

 

Article 35 : Les personnes à besoins spéciaux ont droit à la communication des informations destinées au grand public sans frais supplémentaires, sous des formes accessibles et au moyen de technologies adaptées aux différents types de handicap.

 

Article 36 : L’Etat et les collectivités locales recommandent les organismes publics et privés qui mettent des services à la disposition du public, y compris par le biais de l’Internet, à fournir des informations et des services sous des formes accessibles aux personnes à besoins spéciaux.               

 

Il fait mettre en place dans les bâtiments et autres installations ouverts au public une signalisation en braille et sous des formes faciles à lire et à comprendre.

 

Article 37 : Des mesures de protection particulières relatives à certaines catégories des personnes à besoins spéciaux (personnes non-voyantes, personne en état de déficience intellectuelle, personnes polyhandicapés) seront fixés par voie réglementaire.

 

CHAPITRE VIII

DES DISPOSITIONS PENALES

 

Article 38 : Est puni aux peines prévues par les articles 390 et 391 du Code pénal quiconque délaisse ou expose des personnes à besoins spéciaux au danger.

 

Article 39 : Sans préjudice des dispositions prévues aux articles 391 et suivants du code pénal, est punie de un à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.0000 FD quiconque exploite des personnes à besoins spéciaux ou les structures ayant profité de leur particulière vulnérabilité afin de les conduire à faire des actes ou s’abstenir de faire des actes, ayant des conséquences particulièrement préjudiciables pour ces personnes.

 

Est puni de la même peine quiconque fait obstacle au contrôle exercé par les agents habilités.

 

Article 40 : Est puni d’un emprisonnement d’un (1) an à trois (3) ans et d’une amende de 1.000.000 Fdj quiconque aura perçu frauduleusement des prestations ou aides prévues par la présente loi sans préjudice de remboursement des sommes indûment perçues.

 

CHAPITRE IX

DES DISPOSITIONS FINALES

 

Article 41 : Il est créé, auprès du Secrétariat d’Etat chargé des Affaires Sociales, un organe consultatif chargé d’étudier et de donner son avis sur toutes les questions relatives à la protection, la promotion, l’insertion socioprofessionnelle et l’intégration des personnes à besoins spéciaux.

 

La composition, les modalités de fonctionnement ainsi que les attributions de cet organe seront définies par voie réglementaire.

 

Article 42 : La présente Loi complète toutes les dispositions antérieures existantes, elle abroge celles contraires.

 

Article 43 : Des textes réglementaires précisent, en tant que de besoin, les modalités d’application de la présente Loi.

 

Article 44 : La présente Loi sera exécutée comme Loi d’État dès sa promulgation.

Le Président de la République,

chef du Gouvernement

ISMAÏL OMAR GUELLEH